Dès les premiers instants du film on comprend que Valentina Maurel, la réalisatrice, va tenter de ne pas prendre son spectateur par la main et de lui faire comprendre ce qui se passe en observant la scène, mais sans le dire explicitement. Et c'est dommage parce que la seule scène du film où ça ne fonctionne pas forcément très bien, c'est la première. Un couple se dispute en voiture sous le regard de leurs deux enfants, le mec sort et va se cogner la tête contre un mur, disons que pour signifier que les deux vont divorcer et que le futur ex-mari ne prend pas très bien la chose, il y avait peut-être moyen de rendre ça plus subtil.
Surtout qu'après le reste du film y parvient parfaitement et arrive vite à faire oublier cette première impression un peu mitigée. Parce qu'on a là un film sur l'adolescence qui arrive à capter ce que c'est que d'être ado, loin des regards moraux. Disons qu'on est totalement à l'opposé de ce que l'on trouverait dans un film américain, où les ados sont propres sur eux, ont des désirs parfaitement sains et à la fin il y a un bal de promotion.
Ce qui l'illustre très bien, dès le début du film c'est l'ado qui va s'allonger sur le canapé, mettre les pieds sur le mur et qu'on voit bien que ça laisse des grosses marques dégueulasses. Sa mère qui est obligée de lui répéter plein de fois d'aller se laver... En plus on la voit fourrer sa main allègrement dans son pantalon... bref... on n'est pas face à une vision idéalisée de l'adolescence, bien au contraire, mais sans pour autant noircir le tableau. On y croit totalement, son comportement, les embrouilles avec sa mère, sa fascination pour son père... Et il faut dire que l'actrice joue très bien, si j'ai bien compris c'est une amatrice, et ça donne tout de suite un charme fou au film parce qu'elle ne cherche pas à faire l'actrice. Elle a l'air naturel, comme si elle faisait pas semblant d'être cette ado qui se cherche.
Et qui dit ado qui se cherche, dit découverte de la sexualité. La force du film réside dans le fait qu'il ne juge pas, on voit des choses qui semblent malsaines, notamment avec un complexe d'Electre un peu trop assumé, mais jamais on ne nous dit : bouh c'est mal. C'est ce qui permet au film d'être dérangeant, de titiller le spectateur et de le faire sortir de sa zone de confort. On ne propose pas ici quelque chose d'éculé. Il n'y a jamais de réponse explicite aux questions qu'on pourrait se poser sur les fantasmes de cette fille, sur ce qu'elle subit, est-ce-qu'elle est vraiment consentante, est-ce-qu'elle sait vraiment ce qu'elle fait ? C'est cette ambigüité qui porte le film, sans en faire un dogme, mais c'est quand même plus intéressant quand les choses ont leur part d'ombre. Disons que Valentina Maurel arrive à être assez fine pour ne pas tomber dans le glauque le plus abominable pour le plaisir de faire un truc glauque, sans pour autant rendre ça léger et inconséquent. Et c'est parce que c'est assez fin, que ça arrive à être touchant. J'y crois moi à ce personnage et à ses galères d'ados.
D'ailleurs je note qu'à aucun moment donné on tombe dans les clichés des films qui se passent an Amérique latine (violence, drogue, cartel ou je ne sais quoi). On n'est pas un film social qui voudrait montrer les difficultés de la vie au Costa Rica. L'héroïne a l'air d'être issue d'une certaine classe moyenne, sa mère vient d'hériter, elle refait la maison... Bon son père galère un peu plus financièrement, mais il n'a pas l'air sans le sous non plus. On voit autre chose qu'on a moins l'habitude de voir. Finalement, cette histoire en devient assez universelle parce que cette adolescence nombreuses doivent être les filles qui peuvent s'y reconnaître.
Le film est également juste dans les relations qu'il esquisse entre les personnages, notamment la jalousie du personnage principal. J'aime beaucoup ce moment où elle va à une fête avec son amie, cette dernière est totalement torchée, elles se rendent donc chez le père de l'héroïne pour éviter de se faire engueuler on suppose... et là... le regard du père se pose sur cette fille qui a l'air bien plus "légère" que sa propre fille. La jalousie qui s'empare du personnage est géniale. Je crois que ça m'a rappelé une scène dans L'Amant d'un jour de Philippe Garrel, où de la même manière la fille sent qu'elle est en trop, que son père ne ne la regarde plus... Et tout ça, ça passe par le jeu des acteurs (de l'actrice surtout), sans trop en faire.
Bref c'est un premier long métrage bourré de bonnes idées et qui malgré quelques maladresses parvient à toucher juste en acceptant la part de trouble que doit comporter un film sur une ado.