La cape et l’épée dépoussiérées.
Vincent Perez revient à la réalisation et concrétise une envie qui le tenaillait depuis longtemps, faire un film sur le duel. Paris 1887. À cette époque, seul le duel fait foi pour défendre son honneur. Clément Lacaze, charismatique maître d’armes se retrouve happé dans une spirale de violence destructrice. Il rencontre Marie-Rose Astié, féministe en avance sur son époque, et décide de lui enseigner l’art complexe du duel. Ils vont faire face aux provocations et s'allier pour défendre leur honneur respectif. Un rêve qui s’est concrétisé avec ces remarquables 100 minutes à la tension palpable et une interprétation au diapason.
Le duel, sa technique, ses armes, ses règles, sa noblesse et son protocole… tout est expliqué, disséqué et superbement mis en scène. Il faut savoir qu’entre 1880 et 1889, les duels étaient très « à la mode » et que de nombreux ouvrages qui fourmillent de détails sont parus sur le sujet à cette époque. C’est bien sûr là que Vincent Pérez a trouvé la matière et l’inspiration pour un scénario original et un sujet qui ne l’est pas moins. Ce n’est pas pour rien non plus, que l’action est située précisément en 1887, car c’est le moment des débuts de l’éclairage électrique, l’arrivée du gramophone, la motorisation des véhicules et la construction du premier étage de la tour Eiffel et de la première timide percée du féminisme… une époque charnière. Depuis 1881 et la promulgation de la loi sur la liberté de la presse, les plumitifs de tous bords, multiplient les provocations, suscitant une hausse sans précédent des demandes de réparation. Il en résulta que les grands journaux nationaux comme Le Figaro, Le Gil Blas ou Le Petit Journal et beaucoup d’autres, se dotèrent de salles d’escrime pour former leurs journalistes aux techniques du duel… C’est là que la réalité rejoint la fiction avec les personnages du journaliste Ferdinand Massat et de la féministe Marie-Rose Astié de Valsayre. On ajoute à tout ça le soin particulier aux costumes, aux décors, aux accessoires, aux éclairages et surtout à la chorégraphie des très nombreux combats, on obtient un excellent film, sublimé par la musique des frères Galpérine, pour commencer 2024.
A l’affiche, c’est du nanan. Roschdy Zem, taiseux, enfermé dans son passé douloureux de militaire réussit, une fois de plus, une composition impressionnante. Doria Tillier, totalement à contre-emploi surprend et en bien. Guillaume Gallienne, Damien Bonnard et Vincent Pérez lui-même, sont parfaits. Beaucoup de rythme grâce à un montage virtuose, du lyrisme digne d’une épopée, un film superbe, classique et rigoureux dans sa facture, qui nous plonge dans un monde en pleine mutation. Tragique et passionnant à tous points de vue, un beau moment qui renoue avec la tradition du film de cape et d’épée. Le Ridley Scott des Duellistes n’est pas loin.