« Un Affaire d’Honneur », le tout dernier film de Vincent Perez, est à fois un film historique, un film politique et un film sur le sport. Sur la forme, « Une affaire d’Honneur » est un film tout à fait maîtrisé. Il n’est pas trop long, pas trop bavard, sans pathos et sans temps forts, habillé d’une musique discrète et efficace (et assez différente des autres films en costume, davantage à base de percutions que de violons). La reconstitution du Paris de 1887 est soignée, et notamment en ce qui concerne les décors de la salle d’arme, les costumes d’escrime (à la fois différents et semblables de ceux d’aujourd’hui) et les costumes touts courts, tout cela est très bien tenu et mis en scène. Là où on pouvait attendre Vincent Perez au tournant, évidemment, ce sont les scènes de duel, qui sont nombreuses et cruciales pour le film.
Tout y passe comme une sorte de catalogue : le fleuret, l’épée, le pistolet, le sabre à cheval.
Les scènes les plus spectaculaires sont celles à l’épée et au sabre, parfaitement chorégraphiées et mises en scène comme il faut : il n’abuse pas de la caméra à l’épaule (merci…) et pourtant, c’est dynamique et crédible. Il faut des acteurs très investis pour que ces scènes de combats soient crédibles, justement. Roschy Zem est entouré de comédiens
qui finiront tous, à un moment ou un autre, à croiser le fer.
Guillaume Gallienne, Damien Bonnard, Vincent Perez et surtout Dora Tillier, tous ont du beaucoup s’entrainer pour combattre sans que cela fasse « artificiel ». Si on peut, peut-être, déplorer que les rôles masculins ne soient pas suffisamment écrits, celui de Marie-Rose Astier, en revanche, l’est parfaitement bien. Cette féministe (qui est une personne historique, pas une création scénaristique, d’après ce que j’ai compris) était de tous les combats à un moment où ces combats étaient presque tous vains : droit de porter des pantalons, droit de voter, droit de faire du sport. Dora Tiller apporte à ce personnage sa force et sa malice. Roschy Zem incarne un maitre d’arme dont au final on ne saura pas grand-chose, seulement que c’est un solitaire qui s’est mal remis de la guerre de 1870. Damien Bonnard est un patron de presse obséquieux avec les puissants
(mais qui finit quand même sur une note honorable),
et Vincent Perez se donne le mauvais rôle,
celui de l’homme sans honneur. C’est un miliaire qui, en temps de paix, assouvi sa soif de violence en provoquant en duel à tout bout de champs, et qui (méchant oblige), ne respecte pas toujours les règles à la lettre.
Le scénario de « Une Affaire d’Honneur » fonctionne en dépit du fait qu’il soit quand même assez prévisible.
Il y a 4 duels (si on excepte la démonstration sportive du début), et pour les 3 premiers, on sait presque d’emblée comment ils vont finir.
Le scénario montre l’enchainement infernal des duels :
le perdant veut toujours sa revanche (s’il a survécut, évidemment) et cela n’en finit pas
. Ce qui est intéressant dans cette histoire d’engrenage, c’est de constater que cette pratique, interdite par la loi, est pratiquée ouvertement par la bonne société qui semble considérer au final qui si les lois ne lui conviennent pas, elle est légitime à les ignorer. Il est même dit à un moment que les décisions du « tribunal d’honneur » (pour quelque chose d’interdit, c’est quand même codifié par une sorte d’assemblée d’experts) s’imposent aux décisions de la Préfecture de Paris, on croit rêver… Il y a aussi un peu, dans « Une Affaire d’Honneur », un petit peu de politique. Le personnage de Vincent Perez est bardé de médaille, il se prétend noble (noblesse d’Empire peut-être) à un moment clef de la IIIème République. Cette République est naissante, fragile, traversée par des courants monarchiste encore virulents. Dans ce combat sans fin entre lui et le maitre d’arme Clément Lacaze se joue aussi, en filigrane, le combat de l’époque entre République et ressentiment monarchique (ou impérial). Peut-être que je sur-interprète un peu le film de Vincent Perez, mais c’est un film intéressant sur un phénomène historique mal connu et qui nous offre de belles images d’escrime sur grand écran.