Lydia vit douloureusement sa rupture avec Julien. Après 2 ans de vie commune, elle n’a pas voulu voir ce qui s’imposait à eux, son désamour à lui. Depuis son départ, elle ne rentre plus chez elle, elle enchaîne ses gardes de sage-femme, et tue le temps dans les transports en commun, qui ne la mènent nulle part. Mettre des enfants au monde et aider les jeunes mamans, est la seule chose qu’elle arrive à bien faire. C’est au terminus d’un bus dont elle fût obligée de descendre qu’elle fait la rencontre du chauffeur, Milos, le temps d’une nuit. Le jour de la rupture, sa meilleure et seule amie Salomé, lui avait annoncé sa grossesse.
Le film début par la rupture et l’on va suivre Lydia dans une vie qui déraille par une dérive mensongère. Elle affiche aux autres un calme serein, ses gestes sûrs sont doux et professionnels. Rien ne laisse dévoiler la solitude qui envahit la jeune femme, elle garde volontiers le silence. Quand elle parle, c’est pour délicatement donner le change, elle enchaine un mensonge, à un autre, et modifie le cours de la réalité autour d’elle, qui ne lui convient pas. Elle emporte avec elle ceux qui l’approche dans une spirale, aspirés dans des profondeurs de sentiments qu’ils n’imaginent pas, jusqu’à l’inextricable.
Le personnage insondable de la jeune femme est redoutablement efficace sous les traits de Hafsia Herzi. C’est le réalisateur Abdellatif Kechiche qui l’avait révélée dans « La graine et le mulet », dans lequel elle avait été récompensée du meilleur espoir féminin au festival de Cannes. Sa beauté taiseuse et réservée, transcende ce personnage de femme, à travers l’amitié, la maternité, l’amour, la manipulation et la perversité sous réserve qu’elle puisse en être. Les chiens écrasés, ces faits divers qui inspirent de nombreuses histoires de cinéma révèlent souvent en positif du négatif beaucoup d’humanité. Lydia reste attachante, c’est bien là toute la magie de ce premier film, qui créait son personnage comme un territoire à explorer.
« Le Ravissement » est subtil dans l’équilibre de l’écriture, des images captées à l’écran et de la présence à l’image de l’actrice réellement bouleversante. C’est elle qui donne tout son poids au film. Le scénario est l’écriture de son personnage insaisissable, parfaitement maitrisé par la réalisatrice, trentenaire elle aussi, tout comme son personnage et actrice. La mise en scène par l’utilisation de la voix off, celle de Milos qui raconte Lydia, est très pudique et donne encore plus de profondeur à ce qui se joue sous nos yeux chez ces deux jeunes gens.
J’ai aimé cette histoire dans laquelle une jeune femme qui cherche à aimer et à être aimée, se prend les pieds dans son propre piège et la fin m’a bouleversée. Je n’aurai pu imaginer une autre fin, elle donne tout son sens à la complexité des sentiments humains, à la fragilité des rencontres et à la résilience.
Un premier film poignant, à l’écriture ciselée avec une main de maitresse femme à la caméra. On attend avec grande impatience son second long métrage. Elle sait dire les choses à l’image sans forcer le trait des mots susceptibles d’alourdir le propos ou de figer des sentiments de manière binaire. C’est un peu tout le contraire au cinéma d’un film comme « Le règne animal » actuellement sur les écrans. Une grande qualité d’écriture au service des images. C’est exactement l’inverse dans le film de Thomas Cailley, une tout autre manière de faire du cinéma.