Par procuration
Pour un 1er film, on ne peut qu’espérer un succès pour cette nouvelle venue, Iris Kaltenbäck. Un scénario très original, une belle direction d’acteurs, une mise en scène maîtrisée, 97 minutes qui ont tout pour plaire. Comment la vie de Lydia, sage-femme très investie dans son travail, a-t-elle déraillé ? Est-ce sa rupture amoureuse, la grossesse de sa meilleure amie Salomé, ou la rencontre de Milos, un possible nouvel amour ? Lydia s’enferme dans une spirale de mensonges et leur vie à tous bascule... Un drame d’une justesse inouïe qui surprend et bouleverse. A voir !
C’est en lisant un fait divers dans les journaux que la cinéaste a eu l’idée de raconter le bouleversement d’une amitié et la naissance d’une histoire d’amour autour d’un même mensonge. On retrouve ici, à une échelle intime, de grandes questions politiques d’aujourd’hui. On parle beaucoup de ce que provoque l’arrivée d’un enfant dans un couple, mais moins de ce que ça déclenche dans une amitié. Moi, qui ne suis pas un grand fan des voix off, je dois reconnaître qu’en l’occurrence, elle pose des questions sans forcément donner les réponses. Elle raconte comment, l’héroïne est d’abord victime de ce qu’on pourrait appeler un « déni de chagrin » et comment les traumas peuvent resurgir de manière décalée. Au-delà de cette étude psychologique, le film sait faire le lien entre une grande liberté romanesque et un ancrage fort dans le réel. Cette quête éperdue au pays du mensonge constitue franchement une très belle surprise qu’il ne faut pas manquer.
En tête d’affiche on trouve la formidable Hafsia Herzi, qu’on avait découverte dans La Graine et le mulet, L’Apollonide, puis Tu mérites un amour. Elle a un jeu très personnel qui peut dérouter mais qu’ici cadre parfaitement avec la psychologie de son personnage pour le moins tourmenté. San doute le meilleur rôle de sa carrière à ce jour. Elle est encadrée à merveille par Alexis Manenti et Nina Meurisse, Ce film - présenté à la Semaine de la Critique au Festival de Cannes 2023, où il a obtenu le Prix SACD -, s’avère d’une rare élégance dans le registre assez rare du thriller intime, de la tragédie feutrée, et d’un récit captivant des zones troubles de nos esprits. Une cinéaste pleine de promesses.