Un classique de Pagnol géré par Alain Poiré et Claude Berri, le meilleur rôle de Montand, un Coluche débouté au profit d’un Daniel Auteuil qui récolte un César, un Depardieu acclamé, une ode à la Provence… beaucoup de superlatifs ça peut faire craindre une supercherie, mais là c’est mérité et c’est rare, surtout pour un film français, surtout pour une adaptation.
C’est la preuve qu’une bonne histoire bien retranscrite ça donne forcément du bon. L’œuvre originale contenait une double lecture apportée par le final, avec la profondeur et les descriptions respectées on a un ensemble de qualité. En gardant ces ingrédients et en ajoutant une distribution de talent, le tout dirigé par de fervents admirateurs de Pagnol (Berri s’est acharné une dizaine d’années pour convaincre les descendants de l’écrivain d’adapter son livre), ça sort des classiques et ça les dépasse. En cela j’ai apprécié que la complexité de la narration soit mesurée, que des « indices » qui prendront de l’importance à la relecture soient parsemés çà et là et qu’on ne voit pas la fin arriver ni qu’on la devine (je parle de la 2nd partie). On a aussi une opposition tradition-modernité, avec les dictons d’un Papet qui connait sa terre et la science du percepteur qui apprend dans ses livres. La réussite -mesurée- de l’un avant le « succès » de l’autre empêche aussi tout manichéisme, l’imperfection de l’humanité jouant son rôle à merveille.
Niveau acting on a une prestation magistrale de Montand, méconnaissable sous son maquillage, tant par son accent que sa fidélité au personnage, Gallinette mérite ses récompenses par les différentes facettes de son paysan moche (là aussi le maquillage est au top) et simplet ; quant aux Depardieu (car Aimée était sa femme à la ville aussi) ils sont justes et Gérard est crédible en acharné incompris. L’esprit franchouillard, qui critique et s’amuse des autres, apporte son lot de légèreté tout en rendant les Soubeyran plus humains. Le tout accompagné d’un rythme soutenu mais qui se tient grâce à peu de longueurs, d’une réalisation au cordon, de dialogues inspirés, d’un thème sublime (du Verdi, au nom évocateur) et reconnaissable entre tous, d’un rendu authentique avec des décors qui ne le sont pas moins, et soigné par des prises de vue splendides d’une Provence sans clichés, on en arrive logiquement à un must du cinéma français.
Au final on a un drame social magistral et poignant malgré un thème peu passionnant (mais réaliste). Si cette 1ère partie peut exister par elle-même, elle demeure indissociable de Manon des Sources qui clôturera d’une magnifique façon cette histoire. Un classique à recommander à tous, dès lors qu’on a la sensibilité minimum pour comprendre ce qui se trame…