Pour vous donner une idée de la démesure de ce machin, ‘Pathaan’ est le plus gros succès de tous les temps dans la langue la plus importante du sous-continent indien. D’ailleurs, malgré quelques scories bollywoodiennes, ‘Pathaan’, comme ‘R R R’ avant lui, déborde du cadre déjà vaste du cinéma indien pour se muer en blockbuster aux visées internationales assumées. En dehors d’un nationalisme frontal et bas-du-front qui serait impossible à assumer pour tout autre cinéma national, ‘Pathaan’ gomme presque toute référence folklorique ou religieuse trop spécifiquement indienne. A la place, il s’inspire et s’approprie tous les codes du cinéma hollywoodien mondialisant, celui qui coûte cent millions de dollars à l’heure. Certes, les aventures du super-agent Pathaan, mélange d’espion franc-tireur à la Ethan Hunt, de castagneur à la John Wick et d’implantation capillaire à la Nicolas Cage, rendent parfois un peu trop numériques, un peu trop Fond Vert, un peu trop “ralentis à la Matrix”…mais la plupart du temps, c’est bien foutu et ça ne se voit pas trop. D’ailleurs, à défaut d’inonder ces deux heures trente de numéros musicaux aux chorégraphies alambiquées (un petit regret pour moi, chacun ses vices), ‘Pathaan’ se permet d’aller tourner quelques scènes dans de petits pays exotiques comme l’Espagne et la Russie, plein de mystères, de couleurs et de senteurs envoûtantes comme l’ail et le chou. Bien sûr, le cinéma indien va toujours un cran trop loin, échafaude es acrobaties toujours trop improbables, des combats toujours trop déséquilibrés, c’est sa caractéristique première après tout : observer un type tout en muscles debout sur un camion lancé à pleine vitesse maîtriser deux hélicoptères en tirant sur les câbles en acier qui y sont attachés, aucune suspension d’incrédulité occidentale n’y résistera. A l’instar de ‘R R R’, ce qui séduit, c’est précisément cette folie furieuse, cette volonté d’aller toujours plus loin dans la démesure, et même ces personnages manichéens qui ne semblent jamais en proie au moindre doute sur la suprématie indienne…ce qui est piquant quand on sait que l’acteur Sharukh Khan, riche, adulé et musulman, est la tête de turc favorite du gouvernement nationaliste indien depuis une bonne dizaine d’année. Et puis, si vraiment, si vous ne parvenez pas à vous mettre au diapason d’un surhomme patriotard indestructible, il vous restera toujours Deepika Padukone à admirer sous toutes les coutures.