Lors d'un voyage à la Nouvelle-Orléans, Coline Abert est tombée sous le charme de la ville et a décidé d'y passer plus de temps. Un jour, au champ de courses, elle croise Vince, alias Lady Vinsantos, qui revenait d’un show à Cleveland et avait encore des traces de maquillage sur le visage : "Il avait aussi dû raser ses sourcils pour une représentation. Son apparence transcendait littéralement les genres." Un ami commun les présente et la réalisatrice découvre qu'il dirige une école de drag queen à la Nouvelle-Orléans. Aussitôt, elle ressent le besoin de les filmer et emprunte des caméras à des amis : "En discutant avec Vince et tous les personnages qui gravitent autour de lui, le film est né." Le tournage s'est organisé sur trois ans : la première année, le tournage n'a duré que deux semaines, puis il s'est étendu à deux mois l'année suivante et enfin huit mois la dernière année.
La réalisatrice décrit la ville comme un lieu "de liberté et d’expérimentations". Elle précise : "Après l’ouragan Katrina, la ville a été détruite, c’est alors que toute une scène artistique, originaire de la côte Ouest mais aussi de New York est venue s’installer car les maisons n’étaient pas chères. La ville est alors devenue une véritable bulle créative." Beaucoup d'artistes font figure d’outsiders car ils sont hors normes. C'est cette énergie qu'est venue filmer Coline Abert à l'origine, et dont elle a trouvé une forme tangible dans Vinsantos et son atelier de drag queen.
Avec Last Dance, la réalisatrice veut questionner le genre et observer comment cela forge une identité. "Le genre « conditionne » qui l’on est et les opportunités que l’on peut avoir. Mais j’avais surtout envie d’explorer ce que l’on peut être, en dehors de ce « conditionnement ». Qu’est-ce que l’identité s’il n’y a plus de genre ? A la base, il y a une pensée très féministe qui consiste à montrer que le genre est une illusion. Questionner le genre revient forcément à questionner la norme. Oui, on peut être une femme qui « performe » en drag queen, pour devenir celle qu’on a envie d’être et qu’on n’est pas dans la réalité."
Le documentaire prend le parti de filmer au plus près des visages de ses protagonistes. Un choix qui s'est imposé naturellement au montage : ces plans étaient ceux qui plaisaient le plus à la réalisatrice tout en s'accordant à sa volonté narrative de vivre le drag de l'intérieur et d'être dans les coulisses avec ces performers. Ce choix formel découle aussi d'une contrainte liée au manque de place, puisque le tournage se déroulait dans des loges ou des salles remplies de monde.