On n'entend plus guère cette maxime, très patriarcale, qui disait que, derrière chaque grand homme, il fallait chercher la femme. C'est pourtant assez vrai dans le cas de Tchaïkovski, de manière ironique et cruelle, sachant l'homosexualité du compositeur et l'érotomanie de son épouse honnie dont Kirill Serebrennikov dresse un portrait en forme de requiem. Dans cet entrelacs des signes qu'est La femme de Tchaïkovsi, le cinéaste russe fait se succéder les scènes comme autant de toiles de maître, dans une beauté crépusculaire, où le réalisme se mélange harmonieusement avec l'univers des fantasmes, avec plusieurs moments d'acmé saisissants (les hommes nus, l'incendie ...). Plus lisible que La fièvre de Petrov mais moins exaltant que Leto, ce qui est bien logique eu égard à son thème, dans une Russie tsariste effrayante en toile de fond, le film confirme, sans l'ombre d'un doute, la grandeur de mise en scène de Serebrennikov, qui devient (presque) l'égal d'un Zviaguintsev. Les 2 heures et 20 minutes de projection sont une sorte d'enchantement funèbre, excusez l'oxymore, qui en disent aussi long sur l'âme russe qu'un roman de Dostoïevski (un tantinet exagéré, peut-être, mais pas tant que cela). Dans ce drame puissant, l'interprétation d'Alyona Mikhailova est sidérante de bout en bout, anti-héroïne aux regards hagards, dont on se souviendra longtemps.