"La Femme de Tchaïkovski", dirigé par l'audacieux Kirill Serebrennikov, est une œuvre qui oscille entre l'exaltation biographique et la contemplation mélodramatique. Avec une note de 3,5/5, le film offre un regard stylisé sur les émois et les tumultes dans la vie du compositeur Piotr Ilitch Tchaïkovski, en s'attardant avec une profondeur particulière sur son énigmatique épouse, Antonina Milioukova.
Portée par une performance poignante d'Aliona Mikhaïlova, le personnage d'Antonina émerge de l'histoire comme une figure tragique et complexe, dont le désir d'affection et la quête de connexion avec son mari illustre compositeur, se heurtent à la muraille de son indifférence et de sa propre lutte intérieure. Odin Biron incarne un Tchaïkovski torturé et éloigné, apportant à l'écran une représentation nuancée du génie, où le génie musical ne peut s'épanouir que dans le malheur personnel.
Serebrennikov, même dans les limites de sa propre liberté artistique, façonnée par des circonstances extérieures difficiles, parvient à tisser une toile visuelle à la fois luxuriante et étouffante. La photographie, œuvre de Vladislav Opelyants, magnifie chaque plan, transformant les tableaux vivants de la Russie du XIXe siècle en un opéra silencieux et magnifiquement maussade. Cependant, la durée du film de 143 minutes demande patience et investissement émotionnel de la part du spectateur, une endurance qui n'est pas toujours récompensée par le rythme du récit.
Bien que le film prenne certaines libertés avec l'histoire pour le bien du drame cinématographique, la gravité avec laquelle il traite la condition de la femme et le fardeau des conventions sociales est palpable et résonne avec une actualité surprenante. Les thèmes de l'amour non partagé, de l'isolement et de la folie sont explorés avec une délicatesse qui flirte parfois avec l'excès, menaçant de sombrer dans la caricature.
La partition musicale, tout comme le sujet du film, se doit d'être remarquable, et c'est bien le cas ici, rendant hommage au travail de Tchaïkovski tout en contribuant à l'atmosphère générale. Cependant, la musique ne parvient pas toujours à s'aligner parfaitement avec le flux des images, créant parfois une dissonance inattendue entre le son et la vision.
L'apparition d'Oxxxymiron en Nikolaï Rubinstein offre un moment d'intérêt notable, mais son potentiel n'est pas entièrement exploité. Les autres membres de la distribution secondaire remplissent leur rôle avec compétence, mais c'est clairement Mikhaïlova qui porte le film sur ses épaules avec une grâce troublante.
"La Femme de Tchaïkovski" ne manquera pas d'enflammer les débats, que ce soit pour son interprétation de la vie du compositeur ou pour sa présentation artistique. Avec une note de 3,5/5, le film est une épopée qui ne laisse pas indifférent, une œuvre qui réussit à capturer l'essence tragique d'une relation conjugale déroutante, et qui peint avec audace une fresque de désir et de désespoir, tout en s'encombrant parfois d'un lyrisme qui frôle l'excès.