J'imagine qu'il est inutile de conseiller la lecture du chef d'oeuvre de Zola avant de voir le film, mais si vous n'avez pas encore dévoré ce chef d'oeuvre, n'attendez pas. L'adaptation d'un tel roman s'annonçait hardu, et plus d'une fois le film de Claude Berri s'avère être décevante par rapport à l'oeuvre initiale. On regrettera notamment le côté édulcoré de la vie familiale des mineurs, avec ces enfants sages, ces familles bien pensantes, ces habits neufs et ces visages propres, là où Zola au contraire montrait la promiscuité et la misère sociale dans tout ce qu'elle avait de plus cru. Pour la psychologie des pesronnages, ensuite, la caméra de Berri s'avère encore une fois très inférieue à l'écriture de Zola; car là où, dans le roman, l'auteur décrivait les pensées leus pensées sous tous leurs angles, le film développe parfois insuffisament certains personnages (je pense notamment à Rasseneur, à Chaval et aux nobles). Ces deux grains de sels mis à part, j'ai été agréablement surpris par cette oeuvre, qui tranche avec le conformisme d'autres adaptations françaises (Mme Bovary...). Tout d'abord, ça fait drôle de voire le sympathique chanteur Renaud incarner le personnage d'Etienne Lantier (sans faute, au passage), aux côtés de Depardieu. Le scénario fait peuve d'une fidélité exemplaire au roman, mais sait aussi s'en détacher pour exploiter judicieusement certains aspects; la reconstitution des mines est réussie, et la mise en scène habile. Les personnages sont attachants et charismatiques, en particulier Etienne et Maheu, et souvent égaux à eux-mêmes. Ce qu'on peut apprécier par-dessus tout, c'est la fidèle retranscription du contexte politique de l'époque, avec ce capitalisme déjà étouffant, ces ouvriers exploités et ces extrémistes dangereux. En partant de certains points de vue, c'est (aussi bien le roman que film) d'une étonnnante modernité, et il suffit de penser aux plans d'austérité et à l'impuissance des syndicats d'aujourd'hui pour transposer ce drame de la fin du XIXème siècle à notre belle année 2012. Bref, malgré quelques restrictions, la misère des mineurs est retranscrite avec un réalisme souvent poignant, et contraste avec le luxe outrancier des patrons, au cours de scènes savoureusement tournées. Tension psychologie, dilemnes moraux, suspense et émotions concourent à faire monter l'indignation dans le coeur du spectateur en même temps que dans celui des personnages, rendant le film poignant à partir de la première heure. Puis a lieu l'explosion, la révolte, le choc des classes, l'indignation de tout un peuple jetée à la face de l'élite. Malgré une dimension épique quelque peu décevante (à cause de la musique?), on assiste à des scènes de vindictes populaires assez puissantes, avec des plans très crus d'un réalisme appréciable. Une adaptation passionnante, virtuose et touchante. à voir sans hésiter après avoir lu le roman. Si le film ne transcende pas l'original, comme l'a fait Polanski avec le Pianiste, par exemple, il faut reconnaître à ce film sa profondeur et son souffle.