Écran noir. Les lumières se rallument et la salle reste silencieuse. Chaque spectateur, cloué à son siège, reste sans voix, encore bouleversé par les images qui viennent de défiler. Après un voyage de deux heures au sein de l’Île Maurice (anciennement Île-de-France) au XVIIIe siècle, difficile de retrouver la rue pluvieuse du boulevard Saint-Germain où les voitures accélèrent et les passants traversent au rouge. Moi, j’avance, le cœur encore serré par les images que je viens de voir.
Ni chaîne ni Maître, c’est l’histoire de Massamba et sa fille Mati, esclaves d’une exploitation de canne à sucre, détenue par un colon français. Eugène Larcenet est là pour les affaires, l’héritage de ces terres est pour lui l’occasion de s’enrichir, il a dans sa propriété une cinquantaine de nègres pour le servir. Une main-d'œuvre qui se doit d’être docile, sous peine d’être sévèrement réprimandée si elle venait à s’échapper.
Cependant, Mati a l’esprit rebelle et s’enfuit une nuit pour retrouver sa liberté, elle devient une « marronne ». Être un « marron » ou une « marronne », c’est résister et fuir pour rompre avec l’ordre colonial, c’est se battre pour sa liberté. Je n’avais pas connaissance du « marronnage » avant de visionner ce film et je dois avouer que ça fout une claque de voir tant de courage, résister devant une telle violence.
Ce film, c’est la course à la liberté, rattrapée par Madame La Victoire, interprétée par Camille Cottin, qui joue la chasseuse d’esclaves. Payée pour attraper les fugitifs et guidée par, dit-elle, « la voix de Dieu ».
Simon Moutaïrou réalise le premier film français à parler de l’esclavage, un projecteur braqué sur une période ombrageuse de l’histoire de France. Le plus marquant dans tout ça, c’est à quel point la hiérarchie du blanc supérieur au nègre est banale, normale. Un miroir avec notre société d’aujourd’hui qui fait écho à l’oppression des minorités : genre, sexualité, couleur de peau, et j’en passe… Et délivre un message d’espoir quant à la résistance possible qu’a eue un peuple il y a des années face à une folle violence, pas si « inhumaine » que ça puisqu’elle a existé. Je n’ai pas pris plaisir à voir ce film tant j’ai ressenti leur douleur et leur malheur. En revanche, j’ai appris et reçu une belle claque de réalisme en pleine tête. C’est un film qui nous remet à notre place, nous, et nos croyances qui ne devraient pas être si figées. Et questionne ce qui est vraiment important dans notre vie aujourd’hui.