Sur le plan du récit, Omar la fraise est un peu ce que Night and the City (Jules Dassin, 1950) est au polar : comprenons les tribulations de personnages médiocres, petites frappes sans talent ni acuité qui s’obstinent à jouer un rôle qui ne leur va pas et qui, par ricochet, révèle l’artificialité bouffon du microcosme représenté. Le caïd Omar, redouté depuis les fraises remplies d’épingles qu’il offrit à son professeur, clopine en Algérie car indésirable en France : on le voit crâner en boîte de nuit, arpenter les bâtiments de l’usine de biscuits dans laquelle il est employé, faute de mieux, suer lors des séances de sport en binôme avec son colocataire Roger. Tous les deux estiment être des légendes vivantes, statut que la mise en scène conforte par des ralentis, par des plans au drone sur leur villa, par une réalisation clinquante qui se heurte à la réalité du terrain : les petits biscuits à la chaîne, la bêtise des trafiquants environnants qui n’a d’égale que leur propre idiotie, les quiproquos pour cause de mésentente.
Omar et Roger énumèrent les poncifs, les proverbes, les leçons de vie, comme « braquer c’est un métier » ou « l’honnêteté ça paie pas », sans jamais incarner de tels adages. Se crée aussitôt un décalage savoureux entre l’image qu’ils pensent avoir d’eux-mêmes et celle que leur renvoie les protagonistes extérieurs, notamment Zohra ; en cela, le film se moque justement du culte du petit dealer en débardeur blanc, parlant fort, affichant lunettes de soleil et code d’honneur grotesque, qui rappelle Le monde est à toi (Romain Gavras, 2018) mais disposant, lui, d’un véritable attachement à ses personnages, notamment au duo attachant que forment Benoît Magimel et Reda Kateb.