Selma Vilhunen a ressenti le besoin d’explorer les raisons pour lesquelles elle a choisi une relation monogame. Grâce à la fiction, la réalisatrice a pu questionner cette problématique. Elle explique : "Cela vient aussi de la peur d’être abandonnée ou de perdre quelqu’un. Et s’ils aiment quelqu’un d’autre, que se passera-t-il ? Et si je n’étais pas la seule ? Amours à la finlandaise s’intéresse à l’amour à travers quatre personnages faillibles. Juulia, Matias, Enni et Miska veulent faire exploser les normes de la monogamie, tout en aspirant à un sentiment de sécurité. Ils naviguent entre leurs propres besoins et ceux des autres du mieux qu’ils peuvent. Mais comment mesurer l’équité d’une décision, lorsque chacun vit les choses à sa manière ?"
"Je vois de plus en plus de gens autour de moi qui sont des sortes d’anarchistes des relations amoureuses. Cela me rend curieuse. Par ailleurs, je trouve quelque chose de très beau dans la décision de vivre en polyamour. Ce qui m’a attiré vers ce sujet c’est cette idée de travailler sur soi-même pour permettre à une autre personne de s’épanouir. Pouvoir être heureux que quelqu’un aime quelqu’un d’autre. C’est l’image la plus puissante de l’amour à laquelle je puisse penser. Tous ces points se rejoignaient."
Selma Vilhunen a lu beaucoup de livres, dont un intitulé More Than Two : A Practical Guide to Ethical Polyamory de Franklin Veaux et Eve Rickert, qui l’a époustouflée. Il s’agit d’un ouvrage focalisé sur la création de limites pour soi-même, tout en respectant l’autre personne. La cinéaste précise : "Il traite également des structures sociétales que nous avons créées pour imposer la monogamie. Il est très intéressant, voire déconcertant, de constater que l’idée de posséder son partenaire - en particulier la femme - s’est développée en lien avec l’invention de l’agriculture, lorsque l’idée de posséder la terre et les créatures vivantes a vu le jour."
"Un autre livre qui m’a vraiment marquée est All About Love de Bell Hooks. J’ai interviewé un certain nombre de personnes, y compris des polyamoureux très religieux ; c’était intéressant d’entendre qu’ils ne voyaient aucun conflit entre ce que dit la Bible et le polyamour, bien au contraire !"
Les quatre acteurs principaux - Alma Pöysti, Eero Milonoff, Oona Airola et Pietu Wikström - sont parmi les meilleurs qui travaillent aujourd’hui en Finlande. Selma Vilhunen a déjà collaboré avec Pietu dans une série - son personnage n’apparaissait que dans une scène où il tapait des mains. Elle précise : "Je l’admirais en tant qu’acteur et interprète. Dans sa musique et son travail sur la parole, il explore la sexualité et le genre d’une manière magnifique. Je savais que je voulais travailler avec lui sur ce film."
"J’avais adoré la performance d’Alma dans Tove, qui m’avait marquée notamment par l’indépendance de ce personnage - c’était un lien avec Juulia. Quant à Eero, j’avais été bouleversée par sa prestation dans Border d’Ali Abbasi. Nous avons fait quelques séances de casting et lorsque j’ai vu ces quatre personnes ensemble, il y a eu une étincelle particulière. Une énergie qu’on retrouve notamment dans les longues scènes, comme celle où Enni vient rendre visite à Juulia et Matias pour la première fois."
"Les personnages examinent soigneusement ce que l’autre personne pourrait vouloir ou ressentir, une curiosité et une méfiance. C’était désarmant de les voir jouer cette scène, ils étaient à chaque fois sur le point de pleurer ou de rire. C’est un équilibre fragile qu’on retrouve plus tard dans le film, lorsqu’ils dînent tous les quatre ensembles."
Le film traite du polyamour avec humour et légèreté, mais aussi une forme de gravité. Selma Vilhunen voulait écrire sur le sentiment d’amour réel qui cohabite avec la peur de l’abandon. La réalisatrice confie : "Même si je tenais à une forme de légèreté qui vienne des personnages, l’amour et l’empathie ne sont à mon avis pas des sujets légers, mais des sujets très complexes et urgents. Pour survivre aux crises dans lesquelles nous vivons, telles que le changement climatique et l’extinction des espèces, nous devons nous unir et aborder ces questions ensemble. Cela signifie qu’il faut apprendre à faire des compromis, à changer de point de vue et à respecter véritablement quelqu’un de totalement différent."
Avec Amours à la finlandaise, Selma Vilhunen espère créer un peu plus d’espace pour que les gens se sentent libres d’explorer leurs vrais sentiments et faire disparaître un peu cette peur. La cinéaste explique aussi rêver secrètement d’un monde nouveau, où les gens peuvent trouver un sens à leur vie en appréciant leur propre compagnie et celle des autres, au lieu de consommer :
"Et reconnaître qu’il n’est pas toujours facile d’être avec d’autres personnes, qu’il faut passer par toutes ces questions difficiles, mais que cela peut être vraiment gratifiant. C’est ce qu’il faut chercher dans cette lutte pour trouver l’équilibre entre l’amour et la fidélité à soi-même. Amours à la finlandaise est une romance, mais c’est aussi une étude sur ce que signifie être humain avec d’autres humains."
"En tant qu’autrice-réalisatrice, je trouve de plus en plus inintéressant de donner du temps de scène à des représentations de la violence et de l’égoïsme, juste pour le plaisir d’un contrepoids dramatique. J’ai voulu installer du suspense et des conflits dans des personnages qui essaient de cultiver la gentillesse, même s’ils n’y parviennent pas toujours", développe la réalisatrice finlandaise.