"God, why do they hate me so."
Poursuivant sa fresque sur l'histoire récente des Etats-Unis, Oliver Stone dresse cette fois un portrait de Richard Nixon, de son ascension à sa chute à la faveur du scandale du Watergate, symbole des dérives autocratiques souvent dénoncées par le réalisateur et scénariste (ici rejoint par Stephen J. Rivele et Christopher Wilkinson) lorsqu'elles sont le fait de son pays (beaucoup moins quand il s'agit des autres, passons).
Si le souci de ressemblance physique avec les principaux protagonistes n'est pas la priorité de Stone (sinon pour Paul Sorvino impressionnant Kissinger), je dois admettre que ses choix de casting sont souvent payants : après un Val Kilmer déroutant en Jim Morrison (The Doors, 1991) et avant un touchant Josh Brolin en George W. Bush (W., 2008), Anthony Hopkins interprète un Nixon terriblement humain, dans sa démarche, son phrasé, ses mensonges, jusque dans ses errances, ses passages schizoïdes et ses effrayants moments de cynisme total, un rôle shakespearien joué avec un talent phénoménal, hanté autant par le spectre de sa mère que par celui des Kennedy et de Lincoln.
Alternant les scènes de manière en apparence aléatoire, la chronologie narrative nous fait passer d'une période à l'autre, à quelques mois ou plusieurs décennies d'écart, sans qu'on sache vraiment où se situe l'instant zéro du récit. S'il faut donc s'accrocher un peu pour resituer les événements historiques et privés, ce principe permet d'embrasser une personnalité complexe qui s'est nourrie de ses victoires et, sans doute bien plus encore, de ses échecs.
Comme pour le fil narratif, Stone opte aussi dans sa réalisation pour un mélange de styles hasardeux mais pas dénué d'intérêt, préférant ici le grain d'époque et l'incrustation de fragments vidéos originels et d'archives, là la mise en scène de genre (comme l'ouverture façon film d'horreur) ou encore les décadrages en plongée, contre-plongée et les gros plans presque voyeurs.
Au final, Nixon est une oeuvre composite, comme le personnage le fut sans doute aussi, alternant la douceur et la violence, la guerre et la paix, le pardon et la vengeance, le désir de vérité et le mensonge quasi permanent, une dualité portée à l'écran et bien plus riche qu'un simple biopic ou une fresque historique. Une tragédie humaine.