Comment dire ?... "Chariot" a à peu près toutes les apparences d'un énième DTV de SF de seconde zone avec son pitch a priori lambda, son affiche d'une laideur sans nom ou les très mauvais retours à son sujet de la part des critiques américaines. MAIS, comme on aurait pu le déceler avec la présence de Rosa Salazar, actrice toujours à l'affût d'un projet sortant des sentiers battus (les séries "Undone" ou "Brand New Cherry Flavor" sont là pour le prouver), le film d'Adam Sigal est ce que l'on peut appeler un objet filmique non identifié. Du moins, et c'est une nuance importante, un long-métrage qui fait tout pour être un OFNI, une sorte de sous-délire lynchien teinté de SF, où les limites du bizarre sont sans cesse repoussées jusqu'à établir un monde parallèle de non-sens que le spectateur est obligé d'accepter au-delà de toute logique à l'instar d'un personnage principal ne s'étonnant plus de rien.
Ainsi, le même rêve banal fait des milliers fois par le héros (Thomas Mann), et pour lequel il vient consulter un "somnanbuliste" afin d'en comprendre la signification, n'est ici que le point de départ déroutant d'une odyssée encore bien plus abracadabrante, où son séjour dans un hôtel va le conduire à enchaîner les interactions avec les résidents excentriques de l'établissement, à commencer par Maria (Rosa Salazar, délicieusement imprévisible) qui semble par sa seule présence à ses côtés la plus à même de dénouer les fils de son inconscient.
Déjà en soi improbable, la perruque de cheveux rouges frisés de John Malkovitch, rappelant furieusement la coupe du Woody Harrelson des "Venom" (avec une barrette en forme de petit nœud en option), ne sera finalement que le sommet de l'iceberg de cet univers étrange où croiser une personne flottant à plusieurs centimètres du sol, être surveillé par des sbires silencieux avec des masques futuristes absurdes et discuter avec une jeune femme cohabitant mentalement avec l'esprit d'un anglais irascible (excellente Scout Taylor-Compton) appartiennent à la normalité du quotidien. Évidemment, si la plupart des éléments croisés ramènent toujours plus ou moins le héros à la compréhension de sa situation et, en ce qui concerne le spectateur, aux grandes lignes d'une histoire paradoxalement très basique malgré ses composantes déconcertantes (d'ailleurs en grande partie éventée par le pitch ou la bande-annonce comme personne n'a sans doute su vendre le film autrement), "Chariot" fait partie de ces trips qui ont le mérite de créer une sorte de fascination permanente devant l'étendue toujours plus exponentielle de l'extravagance de son univers. On a beau avoir très vite conscience que l'on assiste à une œuvre hélas trop mineure, inaboutie, handicapée par les maladresses de son exécution ou prises souvent en flagrant délit de "faire du bizarre pour du bizarre", on reste malgré tout captiver durant l'ensemble de son visionnage, toujours dans l'attente de découvrir dans quelle nouvelle direction délirante ce "Chariot" va nous emporter et d'où l'on sort parfois récompensé par de vraies belles fulgurances surréalistes.
Certes, le film tient plus d'une petite charrette instable mais il y a fort à parier que "Chariot" gagnera votre indulgence par le caractère si singulier de sa proposition. À découvrir par curiosité et si vous n'êtes bien entendu pas hermétique à ce type d'univers où tout peut arriver.