Le glas des années 80 a sonné, l'expérimentation pullule à Hollywood et certains metteurs en scène de seconde zone, tel notre bon vieux John Carpenter, en profitent pour y faire leur entrée. Starman est un film atypique dans sa filmographie, plus encore que son énorme biographie d'Elvis Presley avec Kurt Russel, car il déroge dans le fond à toutes les histoires tourmentées contées par Big John. Cela raconte une escapade terrienne d'un alien gentil, façon E.T., qui va vivre quelques aventures pour retourner dans l'univers d'où il vient. Ce pitch de départ fort simple résume ce qui était la grande mode en 1984. Starman peut rentrer dans la compétition sans souffrir d'aucune disgrâce liée à sa condition : Carpenter a accès à un gros budget pour ce film, et Jeff Bridges en vedette. Si son œuvre arrive trop tard pour être reconnu avec autant de foi que l'a été E.T., il faut reconnaître qu'en jouant dans le même registre il a obtenu un résultat tout aussi brillant. La séquence d'ouverture est magistrale, au niveau formel et rythmique, amorcée par de beaux effets spéciaux dépoussiérés comme on en voit peu dans les films usuels de Carpenter, filmée par un maître de la caméra qui sait grâce à son fabuleux cadrage entretenir un mystère initial avec brio. Par la suite, il faut bien avouer que le scénario n'a rien de bien exaltant, l'intrigue est molle, la durée des plans un poil excessive, en découle un film lent qui pourrait être classé au club des films-somnifères. Mais voilà, si on enferme son cynisme au placard, on peut profiter de Starman, du petit divertissement mignon qu'il nous offre. D'abord le film est drôle, surtout grâce à Jeff Bridges vraiment délirant en extra-terrestre, Karen Allen s'avère extrêmement touchante. Il y a de la magie qui scintille dans quelques très belles scènes, même si c'est souvent un peu gnan gnan, la somptueuse partition de Jack Nitzsche sublime tout ce qu'elle enveloppe. La photographie est bien sûr un modèle d'exemple à suivre, et contrairement à bon nombres d’œuvres de Big John il n'y a aucun effet qui sent le « cheap », ce qui contribue également à atténuer le côté guimauve. Finalement c'est la même chose qu'E.T. : une merveille formelle et musicale permet de véhiculer des émotions lacrymales qui auraient du mal à passer les remparts du ricanement autrement. Sauf que Starman présente une morale moins bêbête que E.T., et une mélancolie s'y développe lors de la dernière partie, augurant un final cédant assez stupidement aux sirènes du spectaculaire mais se clôturant sur un plan magnifique. Starman est un film gentil, naïf, mineur, mais tellement attachant lorsqu'on y abandonne son cœur.