Que dire d'un film aussi magnifique, dense, jouissif, bouleversant que Profession Reporter ? Spoilers dans la critique.
Simplement qu'il s'agit probablement du meilleur film que j'ai pu voir jusqu'ici.
Le film est beaucoup plus à fleur de peau qu'on ne le dit, il offre un véritable témoignage de l'humain, et c'est à travers une mise en scène irréprochable, que Michelangelo Antonioni propose un message pessimiste, froid, juste sur la condition humaine.
David Locke, le personnage principal, n'est autre qu'un aveugle qui a recouvert la vue pour mieux la perdre. Bousculé par les hommes, par la routine, il a voulu chercher ce qu'il ne trouvait pas, l'inconnu, le danger, une raison d'être.
Figure raciniennissime s'il en fût, le protagoniste interprété par un Jack Nicholson magistral, est victime d'une destinée tragique.
Presque mécaniquement, l'homme est enfermé dans une situation inconfortable. Rattrapé par un passé qu'il abhorre, répudié par un présent qui ne le veut pas, il aura finalement une destinée funèbre, au cours d'une scène-clé du film, un final prodigieux d'inventivité et de perfection technique.
Profession : Reporter renvoie à l'Eclipse, moins dans la réalisation que dans la reprise, mais non pas la redite, des thématiques essentielles de l'oeuvre. L'argent n'apparaît plus omnipotent dans l'objet de fascination qu'est Profession : Reporter. Cependant, le malaise reste au coeur des enjeux.
En témoigne une séquence symbolique d'une parfaite justesse (qui rappelle vraiment l'Eclipse), au cours duquel un ventilateur miteux ébouriffe Locke, qui croit trouver là un salut d'autant que le son du ventilo concorde avec le vol d'identité. Cependant, par ce procédé stylistique, Antonioni nous fait déjà percevoir que la tentative est perdue d'avance, vouée à l'échec.
Le monde court droit à sa perte, le cinéaste nous a prévenu.