A travers la description d’une maison de retraite pour acteurs de théâtre, Jean Duvivier et Charles Spaak, montrent avec noirceur la dérive morale du spectacle. Le parallèle entre la vie et la scène est omniprésent dans l’opposition entre Saint-Clair (Louis Jouvet), séducteur narcissique qui confond en permanence comédie et réalité, et Marny (Victor Francen), acteur de grand talent, reconnu par ses pairs. Mais ce dernier ne rencontra jamais le succès car cantonné dans le classique (« mais qui va encore voir du Racine de nos jours ? »). Sa foi et sa carrière furent brisées lorsque sa femme le quitta pour Saint-Clair, avant de décéder dans des circonstances troubles qui le hantent. Déjà, en 1938, la gaudriole de boulevard et sa superficialité, l’emportaient sur les classiques (qui n’existent pratiquement plus dans la programmation des représentations de nos jours). Le regard pessimiste de Duvivier observe ce microcosme dont chaque élément attend la mort à sa façon, mais collectivement résignés (le premier plan est saisissant). Fait avec acuité, ce regard est aussi plein de tendresse. Etonnant pour un réalisateur que l’on disait misanthrope. Duvivier qui commença au théâtre, connu la honte d’un immense trou en pleine représentation. Ainsi Cabrissade, formidablement interprété par Michel Simon, c’est un peu lui, surtout lorsqu’il nous rappelle d’une phrase, que les acteurs nous permettent de rêver et d’oublier la tristesse de la vie quotidienne. Son
oraison funèbre
lue par Marny (Francen génial dans cette scène), sera reprise dans « Les nouveaux monstres ». Charles Spaak obtient le prix du meilleur scénario à Venise. Sans atteindre le génie des œuvres majeures de jean Renoir ou du tandem Marcel Carné-Jacques Prévert, Julien Duvivier, qui est à mon sens le troisième grand du cinéma français, réalise avec « La fin du jour » un très grand film.