Théorique, forcément. Comique, assurément. Musical, aussi. Tendrement, totalement. Tragiquement. Dans ce film d'une grande richesse, on voit : des personnages aux noms d'outils littéraires, d'étranges reflets lumineux, des coupes délibérément déroutantes, Birkin en cigale, Villeret en fourmi, Galabru en pilote de ligne suicidaire, Godard en livreur de bobines, les Rita Mitsouko en plein travail, des golfeurs et des trains, des références à Dostoïevski, Popeye ou encore Louis Aragon... Soigne Ta Droite, film composite, est un itinéraire foutraque au pays du burlesque, un parcours sévèrement cocasse et mémorable en terre godardienne. Comme assez souvent avec le cinéaste l'ensemble est complexe, disparate, grande symphonie visuelle distordue, comme en bloc. De très jolies choses, comme ça. Comme hier et comme aujourd'hui. Le cinéma de Godard, vieux de plus de 50 printemps, se répond d'une année à l'autre par des aphorismes ludiques, par la durée d'un plan, par un effet sonore. Sans A Bout de Souffle... pas de Pierrot le Fou. Sans Le Mépris, pas de Masculin, Féminin. Sans Soigne Ta Droite, pas de Film Socialisme. Filmographie passionnante, fascinante, évidente même, celle de Jean-Luc a tout d'un couperet sarcastique tranchant l'opinion public : les uns n'y verront qu'une gigantesque piscine de foutre ; les autres, par persévérance ou par simple ouverture, se lanceront à corps perdus dans un océan de ravissement. Un film superbe.