"L'Amour et les Forêts", réalisé par Valérie Donzelli, est une adaptation du roman éponyme d'Éric Reinhardt. Cette œuvre cinématographique, présentée en compétition officielle au Festival de Cannes 2023, plonge dans les méandres de la manipulation narcissique et de l'emprise conjugale. Le film, tout en étant poignant, suscite des sentiments mitigés, oscillant entre moments de grandeur et d'autres plus discutables.
Le récit suit Blanche, interprétée par une Virginie Efira impressionnante, qui retrace son histoire tragique à son avocate. De sa rencontre idyllique avec Grégoire (Melvil Poupaud) à la descente aux enfers due à la manipulation insidieuse de ce dernier, le film dépeint avec justesse et sensibilité les mécanismes de l'emprise conjugale. Efira incarne Blanche avec une simplicité et une authenticité déconcertantes, capturant les nuances de son personnage avec une subtilité admirable. Sa performance est indéniablement l'un des points forts du film, apportant une profondeur émotionnelle qui maintient l'intérêt du spectateur.
Melvil Poupaud, dans le rôle de Grégoire, livre une prestation tout aussi convaincante. Son personnage, bien que détestable, est interprété avec une complexité qui évite de tomber dans la caricature. Poupaud réussit à rendre tangible l'évolution du personnage, de l'amant charmant au tyran manipulateur, en passant par des moments de vulnérabilité qui ajoutent une dimension troublante à son rôle.
La réalisation de Donzelli est à la fois élégante et expressive, utilisant une caméra vibrante et flottante qui joue avec les couleurs et les textures pour illustrer les états émotionnels des personnages. La photographie de Laurent Tangy est magnifique, capturant la beauté et la tristesse des décors avec une maîtrise remarquable. Cependant, certains choix stylistiques peuvent sembler trop appuyés, risquant de détourner l'attention du spectateur du drame central.
Le scénario, coécrit par Audrey Diwan et Valérie Donzelli, est globalement solide, mais présente quelques faiblesses. Les dialogues sont souvent percutants, mais certaines scènes manquent de rythme et peuvent paraître redondantes. Le film aurait peut-être gagné à être légèrement raccourci pour maintenir une tension narrative plus constante. De plus, malgré l'efficacité de la mise en scène, certains aspects de la psychologie des personnages secondaires, comme la sœur jumelle Rose, interprétée également par Virginie Efira, auraient mérité un développement plus approfondi.
La musique de Gabriel Yared, discrète mais évocatrice, accompagne parfaitement les moments clés du film sans jamais les surcharger. Elle ajoute une dimension supplémentaire à l'atmosphère générale, soutenant habilement les émotions sans les manipuler.
"L'Amour et les Forêts" est une œuvre qui, malgré ses imperfections, réussit à capter l'attention grâce à des performances d'acteurs exceptionnelles et une réalisation soignée. Il offre une réflexion poignante sur l'emprise et la manipulation, tout en étant un peu trop académique par moments. Le film est un avertissement puissant sur les dangers de l'emprise conjugale, bien qu'il puisse sembler parfois trop didactique.
En conclusion, "L'Amour et les Forêts" est une œuvre respectable qui mérite d'être vue, ne serait-ce que pour les performances magistrales de Virginie Efira et Melvil Poupaud. Valérie Donzelli signe ici un film mature et engagé, qui, malgré quelques longueurs et choix discutables, parvient à toucher et à émouvoir. Une expérience cinématographique à apprécier pour ses moments de grâce autant que pour ses tentatives de traiter un sujet délicat avec sincérité et profondeur.