Le Mâle à la racine... L'Amour et les forêts peut compter sur l'interprétation de Virginie Efira, déchirante, et de Melvil Poupaud, terrifiant, qui portent le film avec ferveur, alors que nous-mêmes sommes remués, muets, incapables de dire si nous ne serions pas tombés dans le panneau de pareil manipulateur. Le chantage, la victimisation, la colère feinte, la jalousie maîtrisée, cet homme sait tout faire, et l'écriture réaliste du personnage asseoit un certain malaise de savoir que ce Monstre existe, et peut se tapir dans n'importe quel partenaire mielleux à ses débuts. On ne ressort pas indemne de la séance, peut-être un brin plus attentif aux signes d'alertes. Ce drame regorge de difficultés, et les survole avec une aisance de premier de classe : le double-rôle de Efira qui arrive à camper deux sœurs jumelles sans qu'on se pose réellement la question du "champ/contre-champ", Poupaud nous fait d'emblée tiquer sur quelques remarques et gestes de ce jeune homme, mais nous les fait passer avec quelques ruses de son personnage qu'il interprète si viscéralement - on le répète : impossible de dire "qu'elle est bête, faible, aveugle", car c'est plutôt lui qui est un trompeur accompli, et on serait plus que nombreux à se faire avoir...-, la scène du
viol conjugal
qui est peu voyeuriste (on se focalise sur le visage de la femme en détresse) sans que cela n'enlève à la violence et l'horreur de l'acte (on reste bouleversé), le point de vue féminin sur l'emprise du mari qui aurait pu être casse-gueule (en la montrant trop crédule) mais parvient au contraire à nous prouver que même les plus clairvoyantes ne savent pas comment réagir (avec les enfants coincés au milieu, la maison qui est à lui, la surprise de redécouvrir un homme qu'on pensait connaître depuis toujours, etc...). Le rythme est excellent, les scènes de tension affluent, le binôme d'acteurs est brillantissime, on doit à ce L'Amour et les forêts une de nos gifles (une bonne, cette fois-ci) de 2023.