Après le dernier Eastwood, malmené dès le début par son studio, c'est au tour de ce cher Zemeckis, pour qui toute critique presse peine désespérément à atteindre le seuil d'AlloCiné.
Particulièrement friand du début de carrière du cinéaste : (Qui veut la peau de Roger Rabbit, Retour vers le futur, Contact, Forest Gump, Seul au monde) c'est une pause de 20 ans qui nous sépare lui et moi.
Autant, j'ai continué de saluer l'innovateur qu'il est, autant la motion capture offre un résultat que mes yeux n'arrivent que difficilement à apprécier. Chaînon manquant entre l'effet full practical et l'effet full CGI, le procédé porte en lui une dissonance se développant sur les caractéristiques intrinsèques des deux matières premières utilisées : le rythme et la patine offerts entrent instantanément en confrontation avec mon regard de spectateur.
Lorsque j'ai pris connaissance de la sortie prochaine de Here, c'est avant tout le manque de ferveur autour de ce qui semble être un non-événement qui m'a le plus intrigué. Décidé à regarder de quoi il s'agissait plus en détail, faute de promotion adéquate, c'est un véritable sentiment d'alignement qui l'a emporté :
Tout le projet transpire de l'énergie de son réalisateur, et ce, loin de la seule nostalgie pourtant revendiquée par l'affiche porteuse de l'accablant ''Par toute l'équipe de Forest Gump'' au dépens d'un nom, celui de Robert Zemeckis.
Here qu'est ce que c'est ? C'est pour moi le Tree Of Life de Zemeckis. Un film fleuve, mais cette fois-ci circonscrit à 1h44. On parcourt les siècles et les personnages. Un concept hyper intéressant et surtout, maîtrisé.
Le casting est remarquable et pour une fois, le de-aging ne m'a pas du tout rebuté, au contraire !
Silvestri quant à lui, signe une de ses meilleures compositions à mes oreilles. Aussi grandiose que délicate. Il nous offre bien entendu son toucher de piano identifiable dès les premières notes qui renvoient par moments à Forest Gump.
Côté scénario, on navigue littéralement des rires aux larmes. En conteur d'histoire exigent, Zemeckis est toujours intransigeant et ne tombe jamais dans la facilité. Il aborde le léger comme le sombre sans pâlir. Certains trouvent ses propositions mièvres. Je pense que cela résulte avant tout d'une difficulté personnelle à accepter les choses de bien telles qu'elles sont, ni rabaissées ni augmentées (Les gens amoureux qui trouvent l'Amour niais... L'art d'aimer se sentir en marge).
C'est d'ailleurs pourtant une de ses marques de fabrique. Dans quasiment tous les films cités précédemment, l'happy end échappe constamment aux personnages principaux, rattrapés par les choses de la vie ou les conséquences des décisions prises, celles-ci ayant toujours un impact sur la réalité de ces derniers, parfois même avec un cynisme pleinement assumé. Ce qui a également été une signature de l'auteur : l'art de la rupture tout en restant par instants, foncièrement Américain.
C'est malgré tout la force principale de Zemeckis : réaliser des films profondément humains, qui partent de l'intime pour toucher à l'universel... Ici en l'occurrence la question du temps qui passe, des choix de vie, le poids de l'héritage et des chemins que nous empruntons.
Artiste complet et en perpétuelle quête de renouveau et d'élargissement du champ des possibles. Lui, qui se refuse de retourner bêtement à l'univers de Retour vers le futur, a encore de belles choses à faire et à dire. Belle preuve de courage, lorsque les dernières grandes figures du nouvel Hollywood se font remercier avec une belle tape dans le dos les uns après les autres.
Si l'on se concentre sur le cinéma d'auteur grand public, il est temps de ne pas prendre les choses à la légère. Les cinéastes de la dream team (Eastwood, Spielberg, De Palma, Van Sant, Scorsese, Coppola, Cameron, Mallick, Allen, Verhoeven, Mann, Almodóvar ...) sont clairement sur une fin de carrière.
Mais la relève Fincher, Nolan, Villeneuve, Mendes, Aronofsky, Von Trier, Anderson, Gray, Joon-ho, Glazer et compagnie ne sont pas non plus de prime jeunesse.
Et lorsqu'on considère la complexité dans laquelle évoluent des Peele, Chazelle, Nichols, Eggers, Sheridan afin de nous proposer des œuvres riches, denses et percutantes tout en se faisant rappeler à l'ordre par le grand public : Babylone...)
Nous sommes clairement à une étape charnière. De celles aux avant-postes d'une crise du Cinéma qui peut aussi bien nous abreuver d'une nouvelle génération pleine de fougue et prometteuse comme une lignée de Yes men au service des plateformes.
Comme pour les élections, chaque voix compte. Au public de jouer sa part et de ne pas renoncer au pouvoir qu'il a entre les mains.