Un petit pavillon de banlieue défavorisée (où traînent les camés et les poivrots), une famille "de couleur" qui essaie de n'avoir pas de problème dans une Amérique toujours aussi conservatrice, et une femme retrouvée inconsciente et blessée dans leur cuisine. Que s'est-il passé, est-ce que le père (éméché et sous médicaments) a quelque chose à voir là-dedans, comment la famille va-t-elle s'en sortir...? Autant de questions qui auraient dû être les locomotives de ce scénario autrement pantouflard, qui se contente de nous montrer l'enquête (uniquement un interrogatoire général) de l'inspectrice (Mélissa Léo, qui mérite mieux que ce personnage qui tire la tronche en continu) dans cette maison, sur le temps de quelques heures qui suivent "l'accident". En réalité, on nous présente les enjeux du film... dans son générique de fin. On aurait pu faire monter la tension en rappelant au spectateur que l'homme est
résident dans un quartier de deal et que ses médicaments sont suspects aux yeux de la police, que la victime est probablement une camée
, on aurait vraiment mieux compris pourquoi cet homme est terrifié tout le long du film (au-delà de la question du racisme, on n'a jamais été impliqué par le scénario, car on n'a pas su ce que les preuves pourraient bien dire sur le mobile de ce monsieur...). Idem, la victime n'est jamais caractérisée, on ne nous dit absolument rien sur elle ni ses blessures, on nous a donc tenu à distance de toute réflexion pour savoir ce que cette famille pourrait bien inventer pour justifier telle blessure, telle position, etc... On s'ennuie ferme. Le film ne veut jamais rien nous dire, rien contextualiser, nous donne presque l'impression qu'on gêne, sur cette scène d'accident, et n'arrive pas à créer de la tension ou du suspens. Le seul moment où cela s'excite un peu, où on se dit que, ça y est, il va enfin se passer quelque chose, tout retombe aussitôt comme un soufflé manqué, retour à l'interrogatoire flegmatique. Le réalisateur indique aussi qu'il a volontairement enlevé toute caractérisation à son enquêtrice, pour qu'elle soit une toile blanche pour le spectateur (raciste, zélée, empathique mais qui cache son jeu ? Choisissez), et qu'il a fait en sorte que sa mise en scène soit la plus réaliste possible, dénuée de tout effet de style : pour nous, ça n'aide pas. On a apprécié le message sous-jacent de la culpabilité directe en fonction de la colorimétrie de la peau du suspect, on a aimé l'audace d'avoir voulu faire un huis-clos sur une seule nuit avec peu de personnages et peu de mise en scène (comme une pièce de théâtre), mais on s'est surtout senti repoussé à l'extérieur du film, rejetté par un scénario qui ne veut jamais rien nous dire, et balance les enjeux de l'enquête dans son générique de fin. On a eu l'impression d'avoir zappé sur une enquête de Bellemare, mais sans le son.