La traque
Déjà, dans son 1er film de 2012, un documentaire titré Ceuta, douce prison, Jonathan Millet s’était intéressé au sort des migrants. A 39 ans, il revient sur le sujet avec ce drame en forme de thriller. Hamid est membre d’une organisation secrète qui traque les criminels de guerre syriens cachés en Europe. Sa quête le mène à Strasbourg sur la piste de son ancien bourreau. 106 minutes âpres, parfois confuses, mais qui ont le mérite de mettre en lumière un combat qu’on ne connaissait pas, sans oublier que de film est inspiré de faits réels.
A l'origine, le cinéaste voulait faire un documentaire centré sur un centre de soin pour victimes de guerre et de torture. Puis, au fil de ses recherches, le metteur en scène a entendu parler de réseaux souterrains, de chasseurs de preuves et de groupes qui traquent en Europe pendant des mois les criminels de guerre. Entre Strasbourg, la Jordanie et Berlin, Millet a réalisé un film de gestes, sur l'écoute, le tactile, l'odeur en reléguant hors-champ toutes les images sursignifiantes comme la guerre ou la torture. A travers le tourbillon des pensées du héros, ce drame raconte la Grande Histoire à travers l'intime d'un personnage. Reste que l’ensemble, très lent, très noir est parfois trop confus parasité par des ellipses qui nuisent à la compréhension. Mais, si ce film a été présenté en ouverture à la Semaine de la Critique au Festival de Cannes 2024, ce n’est pas tout à fait un hasard.
Adam Bessa, le franco-tunisien, déjà remarqué dans Harka et Le prix du passage, réussit, dans un rôle écrasant, une performance remarquable tout en tension. Il émane de lui une aura de gravité, qui permet de croire qu'il lui est arrivé le pire. Quelque chose pèse sur lui. On ressent, en le regardant immobile, les tourbillons de son esprit troublé. On a peur pour lui, et on a peur de lui, de ce qu'il peut faire. A ses côtés Tawfeek Barhom, Julia Franz Richter, Hala Rajab, tiennent leur partie avec talent. Voilà un film exigeant, qui ne se laisse pas approcher facilement, un thriller d’espionnage sensoriel, mais aussi une réflexion intime sur le deuil, la vengeance, la quête obsessionnelle, fragile et sans fin. Plus que jamais, ce long-métrage rappelle la nécessité de ne pas oublier le drame qui continue de se jouer jour après jour à Alep ou ailleurs, assommés par la tyrannie.