Un film puissant, angoissant, un très beau film, réalisé par Jonathan Millet, photographe et documentariste. Inspiré, semble t-il, d'une histoire vraie.
Hamid traîne à Strasbourg. S'appelle t-il vraiment Hamid, d'ailleurs? Il n'est pas tout seul. Il est accompagné de ses fantômes; il était prof d'université, jadis.... il a été interné par la police de Bachar au terrible camp de Saidnaya, torturé, puis finalement relâché. Enfin: remis dans la nature dans un désert. Tant pis pour ceux dont la santé, après ces mois terribles, ne permettra pas de s'en sortir. Pendant ce temps, sa femme et leur petite fille sont mortes...
Beaucoup des tortionnaires se sont enfuis -sans doute quand ils ont compris que ça finirait mal- et ont refait leur vie en Europe. L'Allemagne en particulier a ouvert tout un plan d'aide pour les victimes -dont profitent certains tortionnaires, bien cachés sous leurs fausses identités.
Alors, une chaîne secrète s'est montée pour retrouver ces traitres, et ce n'est pas facile, puisque leurs victimes avaient généralement un sac sur la tête pendant qu'on les torturait.
On pense, naturellement, à la traque des nazis menée par Israël -mais là, les visages des monstres étaient évidemment connus, même si certains avaient eu recours à la chirurgie esthétique. Pour les Syriens on a, au mieux, une mauvaise photo...
Il reste à Hamid sa mère, qui survit dans le camp de réfugiés de la Bekaa.
A qui il téléphone, chaque semaine. Qui le croit étudiant, bien installé à Berlin, alors qu'il est à Strasbourg...
Cela aurait pu donner lieu à un film noir frénétique, ce n'est pas du tout le choix qu'a fait Jonathan Millet. Son film est resserré autour de la personnalité de cet homme si seul, si introverti, si enfermé dans son malheur, qui pense avoir identifié le suspect dont il est en charge, mais qui n'a aucune preuve, juste son intime conviction, et qui va s'acharner à essayer de trouver le détail qui lui permettrait de dire, peut être: à coup sûr, c'est lui!
Et pose des questions: peut on s'en sortir un jour quand on a vécu le pire? Peut on résister à la vengeance pour privilégier la justice? Que faut il faire pour avoir l'âme, plus ou moins, en paix? Le film est porté par deux merveilleux comédiens, Adam Bessa pour Hamid (en plus il est très beau garçon...) qui fait ressentir la profonde solitude, le désarroi et la rage du héros. Et Tawfeek Barhom pour Harfaz, celui qu'il traque, qui laisse entrevoir une espèce de chose pas nette sous le visage du type sympa.
A voir absolument pendant que ça se joue encore!
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