Seydou et Moussa sont emplis de rêves. Candides et insouciants, ils entament un voyage vers l’Europe, prêts à tout pour y accéder. Même si cela signifie quitter leur famille et ignorer les mises en garde de leurs proches quant aux risques encourus.
Ce sont deux personnages nuancés, qui voient leur sens des responsabilités s'affiner de par les situations qui les y obligent. Ainsi leur sourire insouciant du début de film va au fil de la traversée disparaître confronté à la cruauté et à la perfidie des passeurs, des mafias et des policiers.
Le réalisateur rend le récit captivant en nous tenant en haleine le long du film, du fait de l’absence de moments clés. En réalité, chaque étape devient charnière car on ne sait pas si l’on va passer à la suivante. La volonté du réalisateur que les spectateurs accompagnent les personnages principaux dans leur périple, est mise en exergue par l’introduction. Le contexte familial et la vie de Seydou y sont exposés avant même le début du périple. En quelque sorte, il nous prend par la main. De plus, l’histoire est conjuguée au présent ce qui consolide cette idée.
Dès que Seydou et Moussa entament leur trajet, ils sont déshumanisés. Ils deviennent une marchandise. Ils sont confrontés à une violence constante, sans mesure et traités comme des esclaves. Les seuls à se considérer comme humains sont eux-mêmes et les autres voyageurs, entre eux. Bien que l’on saisisse la cruauté à laquelle ils sont confrontés, Matteo Garrone ne tombe pas dans l’excès et parvient à remettre en question notre condition privilégiée, sans pour autant dresser un récit de torture sanglante.
Les plans des paysages souvent grandioses contribuent à un ressenti d’immensité, notamment les prises de vues d'ensemble lors de la traversée du désert. Nos deux protagonistes sont finalement deux grains de sables face dureté du monde dans lequel ils sont plongés.
La musique est un élément ponctuant leur voyage. Les chansons chantées par les deux acteurs principaux en wolof témoignent de leurs émotions au fil des épreuves lors de leur odyssée.
Le film est ponctué par des touches d’espoir rythmant le récit, mais qui semblent par moment invraisemblables. Une chance à la limite du miracle nécessaire à l’avancée des personnages dans leur périple, toujours guidés par l’incertitude. L’incertitude, de réussir la traversée, de revoir leur famille, de rester en vie.
La summum de l’expression de l’espoir est atteint lors de la scène finale du film, on peut alors aisément s’imaginer selon le schéma du film les épreuves qui les attendent une fois en Europe. Par ailleurs, ce dernier point constitue un manque pour nous. Nous aurions encore plus apprécié la projection si la fin n’était pas si évasive et ouverte. Des témoignages auraient été une plus-value à notre sens. Néanmoins, cela peut s’expliquer par la singularité des parcours, il n’en pas de type et la difficulté voir l’impossibilité d’obtenir une exhaustivité de ceux-ci.
In fine, “Moi, Capitaine” est saisissant en plus d’être d’actualité car dénonce et révèle le non-respect du droit des Hommes, l’esclavage en Libye et amène des réflexions sur l’immigration vers l’Europe vers une “meilleure vie”.
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