Luca Guadagnino s’aventure sur le court du film de sport avec Challengers, un drame où le tennis devient le théâtre d’un jeu de pouvoir à trois bandes. L’ambition est claire : explorer la tension, la rivalité et le désir sous une esthétique soignée, portée par une mise en scène nerveuse et un montage millimétré. Pourtant, malgré quelques éclairs de génie, le film peine à transformer son essai en chef-d'œuvre.
Dès les premières images, Challengers séduit par sa mise en scène dynamique. Guadagnino sait filmer le mouvement, capter la sueur, le stress, les regards qui s’échangent entre deux balles de match. L’énergie est palpable, et le travail sur le son et la musique – notamment la bande originale signée Trent Reznor et Atticus Ross – contribue à rendre les matchs immersifs.
Là où le film impressionne moins, c’est dans la gestion de son récit. Le scénario de Justin Kuritzkes repose sur une structure non linéaire qui tente de brouiller les cartes, mais qui finit par affaiblir l’impact émotionnel de l’histoire. En cherchant à déconstruire la narration, Challengers sacrifie parfois l’intensité dramatique, et certaines scènes semblent davantage conçues pour le style que pour le fond.
Zendaya incarne Tashi Duncan avec une précision glaciale. Son personnage, stratège et insaisissable, domine le jeu autant sur le court qu’en dehors. Pourtant, malgré une performance solide, il manque quelque chose pour la rendre réellement fascinante. Sa complexité paraît parfois trop écrite, trop intellectualisée, et le spectateur peine à s’attacher à elle.
Josh O’Connor et Mike Faist, en rivaux et anciens amis, livrent des prestations convaincantes, mais leur dynamique manque d’un véritable souffle dramatique. Leur rivalité est bien posée, mais l’alchimie entre eux ne semble jamais vraiment s’imposer comme une évidence. Ce qui aurait pu être un duel psychologique intense reste en surface, oscillant entre tension contenue et dialogues qui ne percent jamais totalement l’écran.
Là où Challengers brille, c’est dans sa direction artistique. Chaque plan est soigneusement composé, chaque costume de Jonathan Anderson participe à la construction des personnages. La photographie de Sayombhu Mukdeeprom offre une texture visuelle agréable, mais par moments, cette esthétique prend le pas sur l’émotion. Tout est léché, maîtrisé, mais trop contrôlé pour être réellement viscéral.
L’histoire, bien que prometteuse, n’exploite pas tout son potentiel. Il y a une forme de retenue dans l’écriture et la mise en scène qui empêche le film de véritablement décoller. Les confrontations manquent parfois d’ampleur, et même si certaines scènes fonctionnent, elles ne marquent pas autant qu’elles le devraient.
Challengers est un film solide, techniquement abouti, porté par un trio d’acteurs talentueux et une mise en scène élégante. Mais il lui manque ce supplément d’âme qui aurait pu en faire une œuvre marquante. Trop stylisé pour être vraiment percutant, trop calculé pour être pleinement captivant, il laisse une impression mitigée.
Un bon match, mais pas une victoire éclatante.