C'est un film que je ressens comme un double plus sombre, plus noir de "La nuit américaine" de Truffaut. Un film dans le film. Un tournage sur le tournage d'un film mais dans une usine qui va mal et va sans doute licencier ses ouvriers. Ce tournage est lui même filmé par un jeune de la région, partie prenante de ce monde ouvrier (il habite au- dessus de l'usine et a une vue plongeante, cinématographique sur le lieu de tournage) et fou de cinéma. LA DROGUE DURE. Pour moi, c'est un film formidable sur l'amour du cinéma. Cédric Kahn réussit à mêler deux univers, celui de l'usine et celui du tournage de façon très fluide, avec à la fois beaucoup d'humour, de distance et beaucoup de gravité. Parce que le tournage d'un film, c'est très sérieux, c'est une montagne à soulever. Le financement est là ou disparaît. Comment reviendra-t-il par magie ? (Xavier Beauvois campe un producteur léger et manipulateur, un prestidigitateur très drôle). Le scénario doit être allégé oui mais comment ? Quelles scènes couper ? Et puis, comment terminer ? une fin "tragique" pour les ouvriers correspondant à la réalité ou une fin positive donnant de l'espoir aux ouvriers ? (les ouvriers sont aussi les acteurs). C'est passionnant, tant les enjeux et les tensions sont forts. Denis Podalydes, en réalisateur doux, humain, submergé, prêt à tout laisser tomber, est épatant. Il passe le relais, il donne le témoin au jeune filmeur du "making of", si intense et déjà drogué comme lui à la passion du cinéma. Comme chez Truffaut, vie professionnelle, vie sociale, vie intime se mélangent et moi, spectatrice, je suis partie prenante et j'applaudis.