Les films qui racontent le tournage d’un film sont nombreux et la plupart montrent, certes l’envers du décor mais où le cinéma garde son aura artistique voire glamour ou mythologique. Rien de tout cela ici, avec une vision plus sociale. Cela n’est pas un hasard si le film tourné par Simon (Denis PODALYDÉS) raconte la lutte d’ouvriers défendant leur usine qui va être délocalisée, d’après une histoire vraie, constituant un parallèle avec les membres de l’équipe de tournage, divisés entre « artistes », voulant terminer le film, même bénévolement, et les « petites mains », invisibles, pas toujours valorisées, mais nécessaires (cantine, logement, installation du matériel, etc.), considérant leur métier comme une source de revenus uniquement,
lors de l’annonce de l’épuisement du budget, suite au retrait du principal producteur (qui apportait 1 million €, en désaccord avec la fin pessimiste, tragique du film)
. Avec tous les problèmes rencontrés [un réalisateur à la situation familiale dégradée, une vedette, certes charismatique mais à fort égo (Jonathan COHEN), un directeur de production filou et absent aux abonnés en cas de coup dur (Xavier BEAUVOIS)] mais pour qui « le cinéma est une drogue dure »], le film (probablement nourri des expériences de Cédric Cahn) est plus proche de « Lost in la Mancha » (2002) de Keith Fulton et Luis Pepe, documentaire conçu à l’origine pour être le making of de « The man who killed Don Quixote », film avorté de Terry Gilliam avec Jean Rochefort, Johnny Depp et Vanessa Paradis, que de « La nuit américaine » (1973) de François Truffaut. D’où son titre, car le film [divisé en 3 actes (1er jour de tournage, mi-parcours et dernier jour de tournage)] est vu, en partie, à travers la caméra de Joseph (Stephan CREPON) chargé de réaliser le making-of (film documentaire relatant le tournage pour les francophones) du film,
pizzaiolo dans la pizzeria familiale mais passionné de cinéma et qui a même remis son scénario, très autobiographique, à Simon
. C’est une belle illustration de la formule d’André Malraux (1901-1976): « le cinéma est un art, et par ailleurs, c’est aussi une industrie », phrase qui termine son livre « Esquisse d’une psychologie du cinéma » (1946).