- Chef, vous voulez combien de motos et d’hélicos ? - Oui.
Ce film coréen produit par Netflix est supposé « faire comme si » ce n’était qu’un seul plan. C’est un vif débat entre initiés de la postprod qui m’a donné envie de tenter l’expérience qui promettait d’être intense. Et ce le fut.
Pour le pitch, on va faire court vu que je ne suis pas sûr d’avoir bien compris l’histoire. En gros, c’est un gars qui se réveille sans mémoire dans une double Corée infestée par un virus zombificateur. Le vaccin, c’est le sang d’une gamine qu’il est supposé rapporter en Corée du Nord (la gamine, pas le sang tout seul) mais plein de gens ne sont pas d’accord (ou peut-être que si ?) et veulent lui faire la peau (à lui, pas à la gamine). On ne sait pas qui sont ces gens, lui non plus. On s’en fout ? Oui, un peu.
Mise en garde, ce délire de fou dangereux dure 2h15. Pour l’estomac, c’est la première demi-heure qui est la plus dure. Pour l’attention, c’est le reste du film. Il y a peu de chance ou de risque que vous ayez déjà vu un tel film avant, sauf si votre petit neveu parkinsonien et hyperactif a l’habitude de faire des films de famille. Ça commence à fond et ça ne ralentit pas jusqu’à la fin. Jamais. En fait, l’histoire n’a pas d’intérêt car on tient là un objet expérimental, un exercice de style. La caméra vole, rampe, saute, tournoie, tremble, s’immisce, glisse comme si tout le film avait été shooté par un insecte épileptique. On alterne images à la steadycam, au drone, en grand angle et extrapolation numérique pour lier tout ça. En un seul plan vous avez à la fois, l’intérieur d’une voiture puis l’extérieur puis sous la voiture puis l’intérieur de l’oreille d’un personnage puis la balle qui va exploser la tête d’un autre gars … et tout ça du début à la fin du film. Non mais en vrai, il faut le voir pour le croire. Les cascades sont des mises en scène de grands malades (en moto, en chute libre) et les bastons pareil (les bains). Le sang gicle de partout et la caméra se drape d’un filtre rouge dégoulinant. On a rarement été autant au cœur de l’action. Absolument tous les curseurs sont poussés à fond. Et oui, il vaudra mieux avoir mangé léger avant. Au final, on tient là un mix WTF entre l’effet du premier Matrix, la tambouille numérique de 300 et le grand n’importe quoi de Crazy Kung-Fu. Avis aux amateurs donc. Mais ne nous y trompons pas, tout ça est parfaitement vain. On en revient à la question de fond : A quoi la technique sert-elle ? Pourquoi chercher l’effet ? Si c’est pour raconter une histoire, on tient là un plantage sur toute la ligne. Les personnages sont sans intérêt et on ne comprend rien à cette intrigue qui parvient à être à la fois minimaliste et brouillonne. Si c’est pour divertir, alors soit, ça marche un temps, le temps de la surprise. Car comme déjà dit, quand tout est toujours à fond, rien ne ressort et qu’importe le volume du bruit de fond, on finit par s’endormir. Ou alors c’est la technique pour la technique ? Une sorte de démonstration ? Ok. Mais il n’y avait pas besoin de pousser la démo sur 2h15 sauf à vouloir inclure une forme de sadisme à l’expérience.
Bon et au final, on en pense quoi ? Que d’une, la drogue est un fléau. Que de deux, il ne faut pas confier des objets dangereux à des irresponsables. Que de trois, le cinéma est à l’aube d’une révolution … ou d’un effondrement.