Ce que le blockbuster hollywoodien ne possède plus est réapproprié par la débauche d'énergie dans les productions sud-coréenne. Les divertissements qu'on y produit sont autant de bonnes factures qu'un festival de personnages costumés, ce qui en constitue un concurrent idéal, qu'il convient de garder un œil dessus. Netflix en sait l'opportunité, afin d'en convertir une bonne partie sur son petit écran de poche et de salon, se portant garant du meilleur et du pire de cette initiative. Le triomphe public du « Dernier train pour Busan » a largement contribué à maintenir cette emprise de droits, tandis que le N rouge lâche un peu plus de leste aux cinéastes et auteurs. Yeon Sang-Ho nous revient donc avec un récit de science-fiction, à la fois survolté et intime.
C'est dans cette démarche qu'il joue au funambule, où le côté bourrin, au mieux bis, peut prendre le dessus, à la réjouissance du spectateur qui ne demande qu'un électrochoc en échange. On sent ainsi le réalisateur, tiraillé par son envie d'explorer les émotions de ses personnages et par sa nette illustration musclée, rappelant la plupart des univers cyberpunk des années 90, sans non plus gagner en impact ou en questionnant les arguments de la science-fiction. Ce sont déjà des problèmes inhérents aux précédents « Psychokinesis » et « Peninsula », mais qui se révèlent encore plus assommant dans ce cas précis, où la caméra ne semble pas bouger d'un pouce ou limite son champ dans un souci de minimalisme. Tout cela est d'autant plus frustrant, sachant l'étude à laquelle le réalisateur se consacre, une zone d'ombre entre les êtres faits de chairs, de circuits imprimés ou de souvenirs.
Le déjà-vu et la répétition sont des manœuvres visant à dénicher de la nuance chez les protagonistes. De toute évidence, on n'en trouvera pas énormément ici, de même que dans les dialogues, suffisamment explicites et en tirade, pour qu'on daigne maintenir notre intérêt au maximum. En utilisant le cerveau d'une héroïne d'une guerre civile, toute une armada de pseudo-scientifiques ne parvient pas à capter l'essence d'une réaction neuronale, tout ce qu'il y a de plus humain. Cela ne joue pas en la faveur d'un portrait écarté de l'humanité, qui vit aux dépens de la technologie, jusqu'à se faire assimiler pour prolonger son espérance de vie ou pour prolonger sa servitude consentie. L'escroquerie capitaliste est dans les tuyaux, mais tous ces enjeux, sous-entendant l'éternité par l'intelligence artificielle, sont tout ce qu'il y a de plus anecdotiques jusqu'à climax, qui ne recule devant rien pour enfin prendre sa revanche sur l'heure perdue précédemment.
« Jung_E » n'est malheureusement pas aussi audacieux qu'il le prétendait, accumulant alors tout un tas de clichés, qui tâchent plus l'écran qu'autre chose. Sans vraiment se livrer à une mise en scène créative ou à de la baston récréative, le deuil d'une fille pour sa mère ne trouvera pas l'issue émotionnelle souhaitée. Tout semble inévitablement désincarné, en témoigne toute cette analogie au clonage qui nous ampute des sensations primaires, auxquelles les spectateurs n'auront aucun mal à gagner des coups d'avance sur le récit, notamment ceux qui garderont un œil sur « Rocobop » ou « Ghost In The Shell » dans le rétroviseur. En voulant intérioriser tout son concept dans l’antre d’une science-gadget, Yeon Sang-Ho ne nous laisse donc pas l’ombre d’un souvenir indéfectible.