Après une première heure mesurée à la saveur d'une comédie dramatique, l'ambiance plonge progressivement dans la psychose puis le sordide avec un rythme cependant homogène. Voici un film atypique au scénario subtil et pas mal sournois tourné avec élégance. Comme la plupart des réalisations japonaises, il est assez lent et poli et se laisse découvrir calmement. Le ton est assez léger au début, avant l'apparition de la "future héroïne", ce qui permet d'apprécier la description des personnages, habilement menée.
Le montage est par contre très inégal et n'a probablement pas été peaufiné mais ces imperfections laissent supposer que le jeu des acteurs a pris le dessus sur la technique. A part ça dans la mise en scène c'est rarement très recherché mais irréprochable, on reconnait deux ou trois touches talentueuses sur des scènes d'un intérêt limité. Bon dosage.
Ryo Ishibashi est très bon, en particulier dans la première partie que j’appellerais le genzai nō, on le sent moins à l'aise dans la seconde partie (qui rappellera peut être le mugen nō pour compléter ma comparaison). Globalement sa prestation est un atout majeur du film. Eihi Shiina (dont j'ignore tout) est quant à elle moins transcendante selon mes critères. Sa grâce naturelle s'insère très bien dans tableau mais reste discrète. Sans avoir besoin de spoiler, on comprend de toute façon très vite, et rien qu'à l'affiche d'ailleurs, qu'elle ne campe pas qu'un rôle de jouvencelle complexée de façade et que sa part de mystère est d'une épaisseur bien plus consistante que sa frêle silhouette. Une belle fleur aux épines empoisonnées mais qui manque cruellement de couleur ou de parfum. J'aurais des objections sur le choix de cette actrice (sans doute plus opéré sur son physique que sur son jeu). Doit y avoir un paquet de japonaises avec les mêmes caractéristiques et tout autant de délicatesse parmi lesquelles on en aurait trouvé quelques unes moins "rigides", c'est bizarre, le personnage est justement une danseuse. Ça doit être le style féminin de là bas.
On s'y fait au cinéma japonais à la longue, malgré une occidentalisation évidente (export oblige) la componction qu'ils y mettent ramollit toutes leurs oeuvres (je ne parle pas de leurs crasses, juste ce qui mérite le respect comme celui-ci). Honnêtement je préfère ça, quitte à ce que ça m'ennuie un peu que le massacre perpétuel qu'ils font avec les musiques actuelles par exemple. Et qu'ils reproduisent (le massacre) dans certains films délaissés par leur maîtres et vomis par des prétentieux que j'ai envie de gifler.
Heureusement ici la bande son est pudique. Au début on dirait même Sakamoto, c'est agréable. Générique de fin = retour à l'horreur ! Ça casse tout.
Je pense que ça doit être assez difficile de faire une adaptation française (ou anglo-saxonne) des films japonais, je trouve cette langue trop moche pour me taper la V.O.S.T. Le rythme dans les dialogues est très différent, leur obséquiosité est parfois intraduisible etc. Ici ça a été fait calmement c'est bien, on approche de ce qu'il y a de mieux à faire.
Avec 3/5 je mets une bonne note mais de la réserve. J'ai trop de mal avec le cinéma japonais, je suis content de voir que je peux parfois le digérer sans problèmes. La catégorisation épouvante ou fantastique est mal choisie. Il n'y a qu'une séquence violente et c'est juste pour nous instiller la douleur et nous faire comprendre en force les desseins de la nénette et l’effondrement du pauvre type piégé dans son trauma et plusieurs fois victime de son existence malgré sa dignité, sa dévotion, son honnêteté... A aucun moment ce n'est un film d'angoisse, c'est beaucoup plus introspectif. Faudrait lire le roman dont c'est tiré pour se faire une opinion plus précise. Bon, moi j'ai la flemme, enfin je salue le cinéaste pour cette narration originale et cette exégèse surprenante
d'une romance à sens unique (ou pas ?)