C'est un film
sensuel,mélange hypnotisant de chair martyrisée et d'amour désemparé,de viande congelée et de malaise.Un film à ne pas mettre entre toutes les mains.Premièrement
parce que l'atmosphère oppressante (et formidablement réussie) n'est pas des plus agréables,que
certaines scènes sont d'une violence et d'un masochisme rarement vu (je tiens à préciser que la
violence n'est ici jamais gratuite mais humaine),et que le malaise,dès la longue introduction
installée,s'installe pour ne plus nous lâcher.Les yeux tourneront sûrement à la vue de ses
sévices corporelles infligées par l'impuissance,par le deuil aussi,dans cette histoire d'un homme
qui part aux enfers.Son voyage et long et douloureux,parsemé d'ignobles embûches dont la présence
est signifiée par l'ambition,l'espoir,l'amour et au fond,la résurrection.Le film de Miike va donc
très loin dans le gouffre de l'impossible et de l'inhumain,pour dire des choses tout à fait
contradictoires au cauchemar qu'il dépeint.Même techniquement,son film est réussi,laissant le son
jouer un rôle incident sur la perception du spectateur,la photo contrastée jongler sur les
ambiances et les possibilités d'images exploitables par le matériau principal,ou encore les
décors,pour la plupart extrêmement glauque et renfermés,donnant une impression insondable,entre
une paradoxale poésie et une amertume constante.Sans parler des acteurs,tous somptueux,qui
donnent à leurs personnages une dimension effroyable et intelligemment ineffable.Toute cette
ribambelle de talents divers au service d'un film au confin de l'étrange,et qui parvient pourtant
à toucher les étoiles célestes lors d'un final paroxysmique et étouffant,sommet de ce
pandaemonium d'illusion(s) entrecroisée(s) et de dégénerescence absolue.On en tombe raide à la fin,la fenêtre de l'art auquel pourrait s'apparenter "Audition" se fermant dans un bruit sourd et
sec.La fin d'un accès vers l'homme,vers le monde,vers l'au-delà.Et vers l'amour.