"Apocalypse ? Non."... Civil War suit le parcours de quatre journalistes de guerre dans un contexte de récente révolution populaire contre un Président fasciste (toute ressemble avec une prochaine élection américaine est purement...volontaire), traversant l'Amérique pour avoir le cliché ultime (celui de
la balle qui traversera la poitrine du Président
). On n'a pas été embarqué par Civil War, l'hélico d'Alex Garland (dont on aime beaucoup les Men et Ex Machina) a décollé sans nous, et survole gentiment tous ses sujets balancés au petit bonheur, sans vraiment s'attarder sur aucun. Pour commencer, on ne comprend rien aux récents évènements : on nous parle de Front de Floride, de Front de l'Ouest, de "gens du Centre"... Mais qui est contre qui ? Quels États ont commencé le conflit, lesquels sont neutres, fidèles au Président, conservateurs, libéraux, l'armée est dans un camp ou s'est divisée ?... On ne capte pas bien le contexte de cette guerre civile, et le film ne nous l'explique jamais, préférant enchaîner des scénettes où l'on voit un cliché-type de chaque groupe (le militaire devenu barjot, le village qui est dans un déni extrême, des gens en chemise à fleurs qui tirent sur d'autres en tenue militaire...). Mais la question morale du journalisme de guerre est encore moins fine, car, tandis que le personnage de Kristen Dunst (et son Sony Alpha 7... Elle aurait dû garder l'Alpha 6000, surtout pour de la photo de terrain) commence subitement à avoir des scrupules (on ne sait pas pourquoi à ce moment-là de sa carrière), la gamine passe de "normale" (elle se pose des questions sur le fait de ne pas intervenir face à la mort d'un autre, du voyeurisme malsain et de l'appât sinistre du cliché mortuaire le plus clinquant...) à
complètement corrompue
(elle photographie
la mort de sa mentor qui lui sauve la vie, et semble s'en contre-ficher dès la seconde suivante...
) en à peine quelques jours. On sait bien qu'Alex Garland n'est pas d'une grande finesse, mais ici ses dissertations de cinq lignes et demi sur chaque sujet très important qu'il lance, aboutissent sur une impression de joli surfaçage. Ah ça, la photo est belle, très belle, et on se prend à oublier l'intrigue du film (sa faiblesse) pour regarder les images marquantes qu'il met en place (sa force) :
une gamine qui rampe dans un charnier, un incendie qui créé une magnifique nuée de cendres scintillantes
, les photos qui entrecoupent les scènes de tuerie (au début c'est original et classe, au bout de la dixième on en a marre, on voudrait profiter de la scène sans qu'un maladroit s'assoie sur la touche "Pause" de la télécommande). Pour l'interprétation, les acteurs s'en sortent bien avec les personnages-clichés qu'ils ont à jouer, et côté mise en scène, les moments de musique ou silence qui recouvrent les tirs nourris permettent de ne pas avoir la tête comme un char au bout de la centième scène de fusillade. On ne jette donc pas le bébé avec l'eau du bain (loin de là), Civil War est simplement maladroit, enchaînant les raccourcis sur la guerre civile (un troupeau d'éléphants et d'ânes lâchés n'importe comment, et ultra-violents sans trop de raison) et le journalisme (les "fouille-m...", d'après le film), et étant au final une jolie photo, esthète et peu significative. Sinon, pour approfondir le journalisme de guerre, les dilemmes moraux qu'il pose, vous avez Private War, un magnifique petit film peu connu, et vraiment plus réflectif. Allez, montez dans l'hélico de Private War (avec la parfaite Rosamund Pike), de notre côté on pourchasse encore celui d'Alex Garland qui survole ses sujets. Oh non, il a balancé la musique des Walkyries. Fuyez.