Aux Etats-Unis, dans un avenir proche, la guerre civile fait rage. Elle oppose les forces loyales au président à l’improbable coalition formée par les États du Texas et de la Californie, bientôt rejoints par la Floride. Une photographe de guerre chevronnée, Lee Smith (Kirsten Dunst), a décidé de se rendre à Washington pour y interviewer le président, retranché dans son dernier bastion. Elle voyage avec un collègue (la star brésilienne Walter Moura). Deux autres journalistes se joignent à eux : un vieux briscard à bout de souffle (Stephen McKinley Henderson) et une jeune photographe inexpérimentée et idéaliste (Cailee Spaeny, l’héroïne de "Priscilla"). Mais, pou atteindre la capitale fédérale, l’équipée doit traverser un pays à feu et à sang où règne la loi du plus fort.
Scénariste confirmé ("La Plage", "28 Jours plus tard", "Sunshine"), le Britannique Alex Garland est passé derrière la caméra depuis une dizaine d’années ("Ex Machina", "Annihilation", "Men"). "Civil War" se situe à la confluence de plusieurs genres : film de guerre, survival movie, film de zombies… Ce sous-genre, qui héroïse des journalistes dépêchés sur un théâtre de guerre, n’est pas nouveau. Il a d’illustres précédents : "L’Année de tous les dangers" avec Mel Gibson en Indonésie, "Salvador" avec James Spader et "Under Fire" avec Nick Nolte qui se déroulent tous les deux en Amérique centrale, "La Déchirure" au Cambodge ou, plus récemment, "Sympathie pour le diable" en Bosnie.
"Civil War" a la particularité d’être un film de science-fiction qui se déroule dans une Amérique de cauchemar. La dystopie n’est hélas pas si improbable quand on sait le fossé grandissant qui fracture les pro-Trump et les anti-Trump. Hélas (ou tant mieux ?) cette dimension politique n’est jamais creusée. On ne connaît pas l’origine du conflit, son déroulement, les forces en présence. Tout se passe comme si Alex Garland avait voulu se réfugier dans une neutralité qui lui éviterait de s’alinéer la moitié de son potentiel auditoire. Neutralité moralement gênante… mais une violente charge anti-Trump ne l’aurait-elle pas été tout autant ?
Comme ses illustres prédécesseurs des années 80, "Civil War" nous offre une réflexion sur le métier de journaliste et son éthique. Chacun des quatre protagonistes l’incarne à sa façon. La plus intéressante bien sûr est Kirsten Dunst qui, à quarante ans passés, tourne le dos aux rôles de jouvencelles dans lesquels elle a été trop longtemps cantonné, et attient une forme de maturité puissante à la Meryl Streep. Le propos n’est pas exempt de simplisme. On est à Hollywood et on pressent, dès les premières scènes ce qu’il adviendra de chacun des quatre héros. Mais aussi prévisible soit-il, leur odyssée à travers les Etats-Désunis nous maintient en haleine jusqu’à un dénouement épique.
M’intéressant un peu aux questions militaires et tactiques, ayant eu l’occasion d’étudier le FT-02 à l’IHEDN, j’ai noté une grande qualité du film : la manière quasi documentaire avec laquelle dans cette dernière scène, il rend compte d’un assaut. Trop souvent, dans les films de guerre, on voit des échanges de tirs bruyants et furieux, dont les héros sortent miraculeusement indemnes. Ici, au contraire, dans cette dernière scène pourtant parfaitement hollywoodienne, le récit prend le temps de décrire l’attaque de la Maison Blanche, la neutralisation de son entrée puis celle de chacune de ses pièces, jusqu’au Bureau ovale.