Si l'objectif de Mitra Farahani avec ce film semble assez simple : faire discuter deux réalisateurs par échange de mails interposés, le résultat est un poil déconcertant. Disons que la structure du film n'est pas forcément des plus claires, les lieux, les dates, le contexte, tout ça est parfois un peu nébuleux.
Mais, ce qui est marrant c'est de voir Golestan (que je ne connaissais pas) essayer d'analyser ce que Godard lui envoie et finalement ne pas comprendre grand chose... J'ai l'impression qu'au cours de la correspondance il a eu un peu les mêmes réactions que peu avoir un spectateur de film de Godard qui se demande qu'est-ce-que c'est que ce bordel, avant de finalement y trouver un sens !
Le film nous montre bien que Godard se fait un malin plaisir de jouer avec son interlocuteur en étant plus cryptique que de raison et c'est plaisant de retrouver son côté facétieux (il se fait même qualifier de zinzin). Finalement j'ai l'impression qu'on suit beaucoup plus Golestan un peu perdu face à cette correspondance que Godard que l'inverse. C'est, je pense, l'intérêt du film, voir la réaction des gens à Godard, son œuvre et sa personnalité/son personnage. On a certaines hypothèses vraiment amusantes, comme celle où Golestan est persuadé que JLG est comme ça car il a été élevé en chrétien et que donc c'est pas de sa faute, c'est juste son éducation...
Autrement, il est fidèle à lui-même, il récite ses phrases fétiches : « Dans je pense donc je suis, le je du je suis, n'est pas le même que le je du je pense... » (je ne sais plus dans combien de films différents il réutilise cette phrase)
Il reprend également la citation qui ouvre le Dialogue des Carmélites de Bernanos qu'il avait déjà utilisé dans Je vous salue Sarajevo : « En un sens, voyez-vous, la Peur est tout de même la fille de Dieu, rachetée la nuit du Vendredi-Saint. Elle n’est pas belle à voir – non ! – tantôt raillée, tantôt maudite, renoncée par tous… Et cependant, ne vous y trompez pas : elle est au chevet de chaque agonie, elle intercède pour l’homme. »
Citation qui permet d'introduire un segment plus sombre dans la conversation : celui de la mort.
Il évoque alors le suicide et forcément ça fait un pincement lorsqu'on se rend compte, quelques jours à peine après sa mort, que Godard y pensait depuis des années (l'échange date de 2014-2015).
Mais de manière générale l'échange est assez singulier et surprenant pour voir le coup d’œil, car les deux hommes n'ont pas l'air d'avoir beaucoup de chose en commun (deux droites parallèles qui ne se croisent pas, si ce n'est à l'hôpital) et pourtant ils jouent le jeu, avec plus ou moins de malice.