Armaguedon est un film correct, simple mais relativement efficace, qui sans atteindre des sommets permet de passer un moment divertissement, avec l’âpreté et la bizarrerie assez récurrentes dans l’œuvre de Jessua.
Yanne trouve un de ses rôles inquiétants, et il se débrouille honorablement avec un personnage bizarre, tortueux, mais dont on aurait pu aimer un travail psychologique un peu plus poussé, tout comme pour le rôle de Renato Salvatori qui joue le rôle de l’acolyte de Jean Yanne. Ce duo, malgré quelques limites d’écriture reste le principal atout du casting, face à un Alain Delon qui nous fait du Delon quoi ! Jeu un peu appuyé, un peu « pathos », Delon est trop parfait, trop lisse, et finalement pas très passionnant. Mais bon, ce n’est pas le premier film avec un tueur fou dans lequel le tueur dépasse en intérêt celui qui le traque.
Le scénario est appréciable. Le film est rapide, court, il va à l’essentiel. L’enquête est parfois un peu abrupte et pas toujours aussi tortueuse qu’on aurait pu le vouloir, et il y a parfois des transitions sèches, mais Armaguedon bénéficie d’une ambiance singulière, et du style particulier de Jessua. Volontiers grinçant, méchant, doté d’un humour très noir parfois et d’un final grandiloquent, Armaguedon est un film rêche et âpre qui trouve là son principal intérêt et sa principale force par rapport à un bien des métrages similaires du temps. Sans être outre mesure conquis, je ne peux nier qu’Armaguedon m’a fait plus d’effet que pas mal de polars du temps, souvent marqué par un classicisme et un académisme trop prononcé.
La forme n’est pas d’un grand style, Jessua n’étant ni un esthète ni un très grand technicien, mais il y a tout de même des scènes fortes, des idées bien vues, et la simplicité et l’âpreté du fond entre de façon intelligente en résonnance avec une forme à peu près du même acabit. Décors minimalistes, photographie grise et sale, le film est « vilain », mais dans le bon sens du terme.
En somme, Armaguedon reste une bonne petite découverte roublarde des années 70. Ce n’est pas un grand moment de cinéma français, mais c’est un polar curieux, que le côté désespéré et iconoclaste de Jessua pimente d’un goût particulier. 3