Attention chef d’œuvre ! Soleil vert s'impose en effet en film historique dès son ouverture faîte d'images défilantes à une vitesse augmentant graduellement jusqu'à atteindre une rapidité démentielle. Ce film est une dystopie de notre société, accusant des principes de fonctionnement qui certes se manifestaient déjà en 1974 mais qui aujourd'hui sont encore d'actualités et même bien plus graves. Les excès de la sciences aboutissant à de la consommation en masse, au capitalisme exacerbé (qui retombe du coup en totalitarisme), au maintien de la population par des moyens agressifs et contre nature...on peut dire que cette œuvre est sacrément visionnaire ; de nos jours avec le réchauffement climatique dont l'humanité est en partie coupable, la mondialisation et tuti quanti, ce que dénonce le film s'affiche en tant que danger beaucoup plus réel et immédiat ! Dépeinte à travers des protagonistes qui interagissent entre eux et avec leur milieu, cette contre-utopie est découverte peu à peu par le spectateur lors d'une première partie plutôt calme, et son envers sera révélé lors d'une deuxième partie stupéfiante et terrible autant que pour les personnages que pour nous ! Commençons par le casting : Charles Heston en flic anti-héros auquel on s'adaptera très vite, parce qu'on se rend vite compte que ce qu'il fait d'immoral lui permet de prendre la vie de son temps comme elle est, Edward G. Robinson en figure de grand père vivant de ses souvenirs qui est le personnage le plus humain du film, et enfin Chuck Connors fait pencher son jeu vers le méchant type western. Les autres sont clairement des seconds coteaux, et c'est clairement le duo Heston-Robinson qui compose le poids lourd du casting, et qui anime le film d'un bon à l'autre. Les dialogues paraissent en marge au début, rudimentaires et peu explicites, on comprend de suite que le réalisateur Richard Fleischer a préféré nous montrer que nous expliquer. La photographie est superbe, les jeux d'ombres dans la nuit silencieuse délivrent un rendu style thriller (personnellement, cela m'a fait penser à New York 1997 de John Carpenter, pour la palette de couleurs utilisée), l'esthétique de la ville dénonce à lui seul l'horreur de ce monde d'avenir possible, et la direction artistique a vraiment soigné les bâtiments de l'Echange que l'on voit à la fin. Le contraste entre les rues, l'appartement du détective Robert Thorn, et le faste luxueux de l'étage de Simonson, est ahurissant. Menée de prime plutôt lentement pour prendre une allure de plus en plus accélérée, à l'image de la séquence d'ouverture, l'enquête de Thorn prend une dimension aux enjeux qui finissent par avoir une ampleur énorme. La deuxième partie commence avec la première scène choc : le ramassage de l'émeute par les dégageuses, qui finit dans le sang. A partir de là on sent que l'agressivité ne va plus subir aucune retenue. Une ambiance oppressante nous gagne. Puis on découvre enfin l'ultime élément de cette société : comment y meurt-on ? A la demande, semble t-il. Cette scène, dont le décor est muni d'une plastique magnifique proche de 2001, marque le début du clouage sur place : après c'est du pur chef d’œuvre qui tourne presque en western qui nous tient en haleine jusqu'à la fin. Une fin qui s'achève sur une main sanglante...et un générique de rêve. Je n'en dis pas plus. Il s'agit là d'un des meilleurs films de science fiction de tout les temps.