Le principal défaut actuel du film est qu'il s'est fortement démodé. Nul doute qu'il fut un film populaire à succès, et avec raison, car il correspondait aux goûts de l'époque. Aujourd'hui, il accuse le coup, vraiment. Un scénario assez fade, très convenu, avec un happy end gros comme le château de Vertelune, qui ne provoque même pas le moindre soulagement... et pour cause, il n'y a aucune tension dramatique. Le film est décontracté, promenant son scénario basique à la va-comme-je-te-pousse. Le rythme fait défaut, alors même que le film ne fait qu'1h35, ça patine à plus d'un endroit. Même les dialogues n'ont pas de saveur particulière, ils sont goguenards parfois, mais très lourdement. . Pour défendre un peu ce film, disons qu'il est plutôt dans une veine picaresque, mettant en vedette un personnage de sympathique crapule, bondissant et exalté, mais finalement sans beaucoup d'intérêt (ce film fait beaucoup penser à l'éprouvant "Candide" de Poitrenaud avec Jean-Pierre Cassel), mais qu'il ne colle pas exactement à notre vision actuelle du film de "cape et d'épée", que les films avec Jean Marais ont définie dans l'imaginaire collectif. Ici, rien de fastueux, rien d'épique (les batailles sont des échauffourées, rien de plus), les enjeux sont médiocres (pas de raison d'état, d'honneur, de noblesse), rien de franchement glamour non plus. Même les décors et les costumes, affadis par le noir et blanc, ne parviennent pas à nous plonger dans un joli livre d'images d'autrefois. Bref, rien à voir avec "Le Bossu" ou "Le Miracle des Loups" et autres pépites du genre (qui ont mieux vieilli à mon sens, disons, se sont patinées !).
Alors que reste-t-il de ce film aujourd'hui ? Un casting agréable, quoiqu'un peu déséquilibré : Gérard Philippe, charmeur indéniable, au jeu moderne, mais qui semble en roue libre, Gina Lollobrigida, fonctionnellement sexy avec son décolleté invraisemblable (surtout parmi les soudards !) et ses oeillades mutines, quelques seconds rôles sympathiques qui cabotinent avec compétence (Noël Roquevert, évidemment !), sans éclat pourtant, faut d'avoir une partition réellement savoureuse à jouer. Quelques scènes agréables, comme la poursuite en diligence. Une mise en scène qui n'a franchement rien de remarquable, une ambiance globalement légère, qui nous préserve de toute réflexion trop poussée et laisse l'impression d'avoir passé un "bon moment". Paradoxalement, ce qui peut donner le plus de prix aujourd'hui à ce film est la nostalgie cinéphilique qu'il convoque, c'est donc ce qu'il cristallise plus que ce qu'il propose réellement. Et évidemment, revoir la star mythique Gérard Philippe n'est pas le moindre plaisir que l'on peut éprouver. Fringuant, hâbleur, d'une insolente jeunesse, il dégage une telle vitalité que cela ne peut qu'entretenir notre sens du tragique, entretenu par l'histoire du cinéma. Pour ma part, c'est ce plaisir particulier que je retiendrai de "Fanfan la Tulipe", film-tombeau, en quelque sorte, à la mémoire de la beauté, de la jeunesse et du talent de Gérard Philippe.