Entre les taupes envahissantes, la postière assoiffée, une mère venant de jadis et sa passion pour la cornemuse, le portrait de l'homme est brossé en quelques coups de pinceaux et en quelques minutes. C'est déjà remarquable pour l'auteur, d'autant qu'on sait que c'est son premier long-métrage.
Ce personnage fait penser à Grenouille (roman Le Parfum), peut-être pour un don caché. Il fait aussi penser à Michel Simon, c'est évidemment physique. Il est fascinant, attachant, ce qu'il exprime étant à l'opposé de ce qu'on craindrait presque. Rôle très bien tenu par Raphaël Thiéry (il s'entendra dire qu'il est comme "un paysage qu'on découvre en s'y promenant", c'est d'ailleurs dans la bande-annonce).
Donc on ne s'étonne pas que ce personnage brut et discret inspire Emmanuelle Devos, incarnation d'une artiste de renom, dévoreuse de ce qui n'a pas son pareil pour en faire sa création, une sorte de vampire en définitive, prenant ce qu'elle veut et passant ensuite à autre chose. Inspiration qui rendra finalement cet homme heureux, en l'ayant accouché de lui-même en quelque sorte, même si ça lui fait découvrir au passage la jalousie, la colère, la tristesse.
On sort difficilement de ce film quand on y rentre (il reste en vous). C'est un beau film, mais tout le monde n'y rentrera pas (film confidentiel, fait pour émouvoir). C'est un film original, d'où l'intérêt (peut-être avec un petit coup de griffe contre l'art). Le seul problème, semble-t-il, est la fin. Il y a une première fin qui est extraordinaire, et inattendue, et qui aurait pu achever le film. On ne sait pas à quoi servent les cinq ou dix dernières minutes qui mènent finalement à la deuxième fin, la vraie.
A.G.