Si le sujet pouvait être sensible et complexe, Jeanne Herry a finalement totalement su le maîtriser. "Je verrai toujours vos visages" est un film puissant sous énormément d'aspects. Traitant de la Justice Restaurative, le long-métrage prend le parti de ne pas choisir la facilité pour la base de son scénario, celle-ci étant assez sujette à débat en France. Et honnêtement, je pense que ce film est la meilleure façon de comprendre en quoi cette initiative peut être excellente. Forcément, le projet a peut-être ce défaut, que je ne trouve pas vraiment gênant, de nous présenter une histoire assez heureuse dans sa conclusion et qui ne va pas forcément s'attarder sur les échecs de cette Justice Restaurative. Mais, finalement, c'est quelque chose que l'on pardonne assez vite, car le long-métrage veut juste nous faire comprendre le fonctionnement et les bienfaits de celle-ci. Et c'est vraiment ce qu'il fait, avec une mise en avant du dialogue et de l'échange. Tout le long-métrage se place du point de vue des personnages concernés directement par cette initiative, et ceux-ci seront parfaitement développés. Certes, on aura également le point de vue des organisateurs au sein du récit, mais on comprend bien vite que ce ne sont pas les personnes essentielles de celui-ci. Dès l'introduction, on nous présente l'aspect fort de cette Justice Restaurative, elle qui n'est jamais dans le jugement, mais qui cherche à se détacher de quelconque émotion trop forte, dans l'objectif de rester neutre. On comprend donc pourquoi ces personnages ne sont pas autant développés que d'autres, et pourquoi ils paraissent plus en retrait. Cela dit, ils ne sont pas des coquilles vides pour autant, le scénario ayant eu la bonne idée de nous présenter une partie de leur vie malgré tout, et de démontrer, à certains moments, que cette neutralité est compliquée à suivre. Cela donne plus de profondeur à l'ensemble, et ce n'est pas plus mal. Et forcément, cela ne serait pas possible sans le talent de ce sublime casting, duquel il est impossible de ne ressortir qu'un seul nom. Adèle Exarchopoulos est magistrale, elle arrive parfaitement à faire ressortir la douleur de son personnage, ne serait-ce que par un simple regard. Miou-Miou réussit à vous verser des larmes, de par son jeu tremblant et humain, qui nous faire ressentir la peur de son personnage. Dali Benssalah reste dans son rôle du délinquant au niveau de son phrasé et de sa gestuelle, mais il est aussi très honnête et sincère dans la façon de sortir ses dialogues. Et j'ai également beaucoup apprécié Leila Bekhti et Gilles Lellouche, eux qui n'ont plus rien à prouver quant à leurs talents. En bref, la sincérité de ses acteurs réussit à faire vivre cette histoire, on y croit fortement et on comprend les rouages de cette initiative. Le but de celle-ci n'étant jamais de renforcer le mal, mais bien de l'apaiser à base d'un échange de points de vue pour comprendre. Et c'est typiquement le genre de thématique que j'apprécie énormément, l'échange dans le respect étant la base de toute bonne société. C'est précisément ce que nous allons voir, pendant ces deux heures, mais sans jamais que cela ne soit long ou ennuyeux. Forcément, le fait de filmer des gens autour d'un cercle en train de dialoguer, cela peut être assez compliqué à mettre en œuvre, mais ce n'est jamais mal fait au sein de ce film. De par la sincérité des acteurs, Jeanne Herry n'a même pas besoin d'offrir une mise en scène démonstrative, où les visuels viendraient illustrer les propos de nos personnages. Les dialogues suffissent amplement à faire ressentir et à imaginer les descriptions de certaines situations, et les échanges sont tellement passionnants que le temps n'est jamais long. L'ambiance prend donc le pas sur le reste et on décroche jamais, tant tout semble juste. Par conséquent, suivre les histoires de ces personnages, de cette façon, et avec ce sujet en toile de fond, a vraiment été très fort à visionner. Je n'attendais pas grand-chose de ce long-métrage, ayant même peur de m'ennuyer un peu à regarder des gens en train de discuter. Mais il n'en est finalement rien, et je vous recommande fortement de rattraper ce sublime long-métrage. Pour conclure, une belle leçon de vie.