De magnifiques critiques m'ont incité à y aller, à reculons quand même, tant je craignais le préchi précha bobo donneur de leçon, genre vous-n'aurez-pas-ma-haine. Même si la fin, en mode embrassons nous Folleville, n'y échappe pas complètement, les personnages sont si justes, si magnifiquement interprétés, qu'on se laisse emporter dans le découverte de cette justice restauratrice, expérience mal connue et dont, vu le probable coût de revient, on imagine mal la généralisation.
Le principe consiste à faire se rencontrer des victimes et des agresseurs, ou, dans certains cas, et après un très long processus préparatoire, une victime et SON agresseur. Ces deux situations sont traitées ici, dans deux récits parallèles.
Chloé (Adèle Exarchopoulos épatante, mais ils le sont tous!) a été violée enfant, pendant plusieurs années, par son frère ainé. Celui ci a de plus le culot de lui en vouloir d'avoir porté plainte des années plus tard! Il est sorti de prison, et revenu dans leur ville, et Chloé veut le voir pour établir un modus vivendi afin qu'elle n'ait jamais à le croiser. Cela demande évidemment une longue préparation, guidée par Judith (Elodie Bouchez) qui marche sur une corde raide.
Dans l'autre cas de figure, trois victimes sorties traumatisées des suites d'un vol violent sont amenées à rencontrer trois condamnés. Ces trois personnes n'ont pas réussi à reconstruire leur vie, professionnelle, familiale, après ce traumatisme.
Sabine (Miou-Miou), septuagénaire toute menue, toute fragile, a été renversée, puis battue à coups de pieds, par un type à scooter qui voulait lui voler son sac; Nawelle (Leïla Bekhti) a vécu une attaque à main armée dans le magasin où elle était caissière. Et Grégoire (Gilles Lellouche) s'est retrouvé ligoté chez lui, sans savoir ce qu'il advenait de sa petite fille.
Face à eux, trois condamnés dans le déni. L'élégant Nassim (Dali Benssalah), barbe impeccablement coupée et vêtements de sport de marque, est le chef d'une petite bande qui pratique le home jacking; il porte une arme, mais bien entendu qu'il ne tuerait personne, enfin qu'il sont pénibles ces blaireaux qui font des manières pour donner leurs cartes bleues et leurs numéros! On est bien obligés de les bousculer un peu quoi! Issa (Birane Ba) n'a jamais eu de chance, dans sa banlieue quand on est noir on ne trouve pas de travail, bon lui n'en a jamais cherché mais ses cousins qui en cherchaient n'en ont jamais trouvé....
Le plus lucide et le plus taiseux est sans doute Thomas (Fred Testot), qui n'espère pas sortir de la drogue et est presque sûr de récidiver.
Face à eux, elle ne lâche rien, Nawelle, elle les oblige à sortir de leur déni, à se regarder en face... On les suit donc avec passion sur six semaines, sous l'oeil attentif de leurs encadrants (Suliane Brahim, Jean-Pierre Darroussin, Denis Podalydes); on les voit évoluer.... à vous, spectateur de savoir si vous êtes convaincus, en tous cas ils sont convaincants et le film est vraiment passionnant de bout en bout.