Inimaginable à notre époque, on se croirait être revenu du temps de l’exposition universelle (et coloniale) de Lyon en 1894 et pourtant, c’était il n’y a même pas 30ans. A Port-Saint-Père, à 30min de Nantes (ancien bastion de la traite négrière), était inauguré en 1994 un zoo humain. Un village ivoirien au sein du parc "Safari africain" honteusement appelé « Le Village de Bamboula » et sponsorisé par la biscuiterie Saint Michel (qui commercialisait à la même époque, les tristement célèbres gâteaux « Bamboula »).
Imaginez l’équivalent du zoo de Thoiry (découverte des animaux depuis votre voiture), à la différence qu’ici, la direction avait eu la sombre idée d’exhiber au public en mal d’exotisme des africains comme de vulgaires animaux, seins nus pour les femmes et tenues d’apparat pour les hommes, ces derniers, reclus dans des cases, se donnaient en spectacle 3 fois par jour, entre danses, tamtams et métiers à tisser, le folklore ivoirien était mis en avant sous les yeux écarquillés de touristes blancs armés de leurs caméscopes, tels de vulgaires crétins venus contempler des animaux en cage.
Qui se souvient de ce parc ? Qui se souvient qu’il avait défrayé la chronique lors de son inauguration ? Qui étaient ces ivoiriens exhibés et exploités par le Safari africain ? François Tchernia & Yoann de Montgrand reviennent sur cette terrible histoire dont rares sont ceux qui s’en souviennent. Ils ont recueilli le témoignage de celles et ceux qui ont vécu dans ce village africain et ceux qui ont lutté pour leur dignité (membres de la CGT spectacle et diverses associations), le tout, agrémenté d’images d’archives de son inauguration et diverses interviews de l’époque où apparait Dany Laurent, le directeur du Safari africain.
Financé (entre-autres) par le conseil départemental de la Loire-Atlantique et la Région des Pays de la Loire, sous prétexte d’avoir voulu réaliser une reconstitution authentique d’un village ivoirien dans le but de promouvoir le tourisme en Côte d’Ivoire, le ministère du tourisme ivoirien (Daniel Kablan Duncan, le 1re ministre ivoirien de l’époque était présent le jour de l’inauguration) a mis à disposition des artistes africains de la troupe DJOLEM dans le but d’assurer le show toute la saison, sauf que ces derniers seront exploités. Hommes, femmes et enfants se retrouvent embarqués dans cette mésaventure, à raison de 3 représentations par jours entre 14h & 19h et ce, tous les jours de la semaine. Les enfants étaient tous déscolarisés et les adultes ne bénéficiaient même pas du code du travail français. Comme ils étaient « prêtés » par l’état ivoirien, ils étaient régis par le code du travail de leur pays d’origine, soumis au salaire ivoirien et ne bénéficiaient pas de l’assurance maladie. Sur place, ils n’avaient pas accès au médecin, en cas de soucis, c’était les vétérinaires du parc (!) qui intervenaient.
Le zoo humain avait des allures de prison, les ivoiriens n’avaient pas la possibilité de sortir du parc comme ils le désiraient, le directeur du Safari africain conservaient tous les passeports dans un coffre « pour éviter de les perdre », de même que les artistes étaient logés au sein du parc et étaient confinés à l’intérieur comme les animaux dès que celui-ci fermait au public. Les artistes étaient contraints de se plier aux règles imposées par Dany Laurent et Souleymane, le chef de la troupe du DJOLEM.
Il faudra attendre que des associations et un syndicat (la SNAM-CGT) militent sur place et devant les tribunaux pour que le parc et son dirigeant soient condamnés pour atteinte à la dignité humaine (en 1997). Depuis, le parc a été racheté et se nomme désormais "Planète Sauvage". Exit le zoo humain, désormais, « Le Village de Bamboula » est devenu « Le Village de Kirikou » où les touristes sont invités eux-mêmes a essayer les instruments de musique.
Le Village de Bamboula (2022) met en lumière le dernier zoo humain de France, des ivoiriens exploités pour divertir les français en plein cœur d’une zone de non-droit (une enclave sur le sol français appliquant le droit ivoirien).
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