En 2014, Cécile Allegra réalise Voyage en barbarie, un documentaire sur un commerce d'êtres humains dans la péninsule égyptienne du Sinaï. Elle fait notamment la connaissance de H., survivant d’une longue détention dans le Sinaï. Elle lui promet de le sortir de là. À son retour en France, elle alerte les institutions, dont l'Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA) et le ministère des Affaires Étrangères. À l’automne 2015, grâce à l’OFPRA, H. arrive en France avec un visa pour l’asile et est installé dans un centre d'accueil de demandeurs d'asile. Cinq mois plus tard, alors que le pire semble derrière lui, H. fait une tentative de suicide en se laissant mourir de faim et de soif. Il s'en sort de justesse, après être tombé dans le coma. Suite à cet événement, Cécile Allegra créé l’association Limbo. Une vingtaine de personnes, psychologues, art-thérapeutes, militants en font partie et réfléchissent ensemble à la meilleure manière d’accompagner les survivants des camps de torture lybiens.
Depuis 2016, Limbo, l'association de Cécile Allegra, organise des séjours thérapeutiques à Conques. La réalisatrice a pu voir que certains survivants, quand ils n'arrivent pas à se livrer par la parole, le font par le chant. En 2018, elle a amené à Conques un ami musicien, Mathias Duplessy, pour travailler sur des chansons avec quelques jeunes de Limbo qui se sont portés volontaires. Elle raconte : "La musique déverrouille petit à petit l’impossibilité de nommer les choses : avant de pouvoir chanter, bien sûr, il faut prononcer, puis fixer les mots justes. Finalement, les jeunes ont écrit les premiers textes. Ils ont trouvé un autre chemin pour s’avancer vers la clairière et dire leur histoire ; un chemin musical, plus lent, par moments drôle, agréable."
Le Chant des vivants a été tourné lors de trois séjours Limbo, à l’automne, l’hiver et l’été, en respectant le fonctionnement de l’association : une semaine, une équipe de bénévoles et un groupe de jeunes survivants. La réalisatrice précise : "Avec ce film, plusieurs fils se déroulaient. Celui de la réparation progressive des jeunes, captée en cinéma du réel ; celui de la route de l’exil et de sa violence, dont chacun me livrait un fragment pendant nos rencontres ; celui des « clips » musicaux, plus mis en scène ; et enfin celui des saisons, qui entraient en résonance avec l’état intérieur des personnages. Au tournage, ces narrations se sont entremêlées naturellement."