Jérémie Sein, qui pour l'occasion réalise son premier film, a toujours eu beaucoup d’intérêt pour le sport et les Jeux en général. Une passion transmise par son père journaliste sportif : "Il y avait une logique à réaliser un film de sport comme premier film. Enfin, disons plutôt un « anti-film » de sport. J’ai l’impression qu’on est dans une société qui a tendance à mépriser les sportifs. Que le sport soit expurgé de tous les travers de la société me paraît complètement illusoire. J’ai un souci de contemporain dans ce que j’écris : même si le film est un peu hors-temps, rien n’est apolitique, et j’ai envie de parler de vraies thématiques et de les enrober dans des vannes potaches."
"Si je veux m’attaquer à la lose à la française, il faut que je l’analyse sur ce qu’elle est : un moment où tout d’un coup, tous les projecteurs vont se braquer sur un athlète inconnu du grand public, une sorte de momentum chauvin où il faut faire nécessairement tant de médailles, avec une feuille de route ministérielle. Comme si le nombre de médailles était un gage de réussite…"
Ce qui intéressait Jérémie Sein dans la trajectoire du personnage principal interprété par Benjamin Voisin résidait dans le fait qu'il ne s'agit pas d'un outsider, mais bien un génie pour qui gagner est naturel : "Comment on déconstruit ça ? Mon intérêt était dans ce renoncement final. J’ai l’impression que c’est une belle quête de se guérir de l’esprit de compétition. Par exemple, moi je suis supporter de l’Aviron Bayonnais en rugby. Est-ce que si chaque année, Bayonne n’est pas champion, cela veut-il dire qu’il est perdant du championnat ? Je ne pense pas."
"Une des inspirations originelles du film, c’est Talladega Nights (Ricky Bobby : roi du circuit) d’Adam McKay avec Will Ferrell. Pendant tout le film, il croit que la marche à suivre c’est le dicton de son père qui est : « Si tu n’es pas premier, tu es dernier ». Y’a quelque chose comme ça dans le rapport au sport en France."
A l'origine, Jérémie Sein voulait dédier ce film à Laure Manaudou : "Je ne l'ai pas fait mais en 2007 après les mondiaux, elle a pris des seaux de merde sur la tête juste parce qu’elle est tombée amoureuse d’un autre nageur, l’Italien Luca Marin. Tout d’un coup cette machine de guerre qui n’a que 18 ans, que Philippe Lucas avait fabriqué, se retrouve dans un triangle amoureux avec son adversaire, Pellegrini, et là tu commences à entendre partout en France des trucs comme « Bah alors ! cette conne pourquoi elle ne veut pas nager ? ». Elle a un chagrin d’amour bordel !"
"Dans le film, cet éveil au désir préadolescent de Paul est déclenché par Jacob. C’est à la fois l’archétype du grand frère, qu’on veut imiter, que les filles regardent et aiment, mais cela modifie surtout le rapport de Paul à sa coach qui d’une certaine manière l’emprisonne dans l’enfance. Pour moi, c’est cet éveil au désir qui va contre la compétition."
Pour les deux premiers rôles, Jérémie Sein avait à cœur de ne pas choisir des acteurs ayant l'habitude de jouer dans des comédies : "J’avais un peu peur de l’image du film de sport un peu grossier. Je voulais un peu nuancer cela. J’avais plutôt envie d’ailleurs de casser l’image de Benjamin Voisin qui est un jeune premier. Et puis il a considéré comme un cadeau ce personnage-là, c’est l’une des premières choses qu’il m’a dite lorsque l’on s’est rencontré. Je me suis dit direct qu’il avait pigé le truc."
"Et puis Emmanuelle Bercot, on s’est rencontré une fois, je la tiens en haute estime j’étais ravi de pou- voir la rencontrer et encore plus qu’elle fasse le film. Elle aussi de base me fait rire, et ce même dans Mon Roi elle a ce truc un peu ébréché, outré, qui a tendance à me faire rire même dans le drame. Et donc c’était assez naturel d’aller la chercher pour Sonia. Le reste, les seconds rôles, c’étaient plus des évidences comiques avec Laura et Grégoire", explique le metteur en scène.
Benjamin Voisin et Emmanuelle Bercot ont déjà tourné ensemble dans Le Bal Des Folles. Le premier explique : "Je savais par exemple qu’Emmanuelle allait arriver sur le plateau avec une proposition, que cela allait me galvaniser et vice versa. Cette belle relation donne aussi confiance au réalisateur. Car lorsqu’on signe un premier long métrage, ce qui était le cas de Jérémie en l’occurrence, la peur peut entrer en jeu mais ce n’était pas le cas ici."
Jérémie Sein confie avoir étonnamment beaucoup souffert psychologiquement sur le tournage de cette comédie qui s’est pourtant bien passé pour tout le monde. Il se rappelle : "Ma meuf était obligée de me pousser dehors pour aller tourner, ce qui ne m’était jamais arrivé jusqu’ici. Je voyais les acteurs en slip dans la chambre en train de faire des bagarres homo-érotiques de gamins et je me avec ça que je vais rencontrer la critique et le public ? Ok ». (Rires)"
"Il y avait un truc vertigineux où ce que j’avais écrit depuis 5 ans, je le voyais enfin. Et encore plus profond, ce truc que je voulais faire depuis 40 ans, ce premier film et je me suis dit genre : « Wahou je vais prendre date avec un truc ultra régressif mais qui en plus me ressemble beaucoup ». C’est ça le plus effrayant : quand tout d’un coup on se rend compte que le film nous ressemble et que c’est sur ça qu’on sera jugé, c’est un peu flippant, c’est même vertigineux."
"En même temps, ça veut dire qu’on est au bon endroit. Y’a une phrase, je ne sais pas de quel réalisateur elle est mais je l’aime bien, on va dire John Ford parce que ça sonne bien : « Il faut que le film soit suffisamment vous-même pour avoir honte de le montrer ». Ça me va très bien."