Plus noir, tu meurs !
Pour son 1er film, Baptiste Debraux a fait dans les classique, le solide et le très, très noir. Polar certes, mais tout drame social ancré dans une de ces régions sacrifiées puis oubliées qui font le lit du RN… on ne le mesure que trop aujourd’hui. Rochebrune est au bord du chaos. Johnny, leader du mouvement de protestation de la ville, a disparu après avoir braqué un fourgon. Lorsque Paul Ligre apprend la nouvelle, il revient dans la ville qui l’a vu grandir pour retrouver son ami d’enfance avant la police. Seulement, l’enquête d’Anna Werner la mène inéluctablement vers le secret qui unit Paul et Johnny… 106 minutes, entre le drame du passé et luttes ouvrières, efficaces et honorables, par bien des égards, sauvées par un casting formidable.
Revin, renommée ici Rochebrune, où se situe l’action, - accessoirement patrie du réalisateur -, a perdu la moitié de ses habitants - de 11000 à 6000 -. Les usines ferment, les services publics s’amenuisent, les déserts médicaux se créent… la colère gronde, la violence éclate. Voilà la toile de fond de ce film qui a nécessité une trentaine de jours de tournage – dont on dit qu’ils ont parfois été difficiles -. Le manque de moyen évident est intelligemment pallié par une mise en scène précise et très léchée. Pour une fois, - moi qui ne suis pas très client du procédé -, les flash-backs sont nécessaires et parfaitement clairs. Il y a là une mélancolie et un sentiment de révolte sociale qui créent une tension permanente qui fait un peu penser à Ken Loach. Ce n’est pas un mince compliment.
Léa Drucker, encore une fois, éclabousse le film de son talent en créant un personnage de flic beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît d’emblée. A ses côtés, le trio Bastien Bouillon / Pierre Lottin / Marion Barbeau joue une partition subtile sur deux époques – 2003 et 2018 – tout en restant physiquement et psychologiquement crédibles. Franchement, il faut encourager ce film, parce que c’est pas mal du tout, c’est un 1er, enfin, assister à la naissance d’un nouveau cinéaste reste toujours un événement.