Prêtre à Auxerre, Simon (Grégory Gadebois) se dévoue corps et âme à ses paroissiens. Au beau milieu de l’enterrement de l’un d’entre eux, Louise (Géraldine Nakache), avec qui il avait eu une liaison, douze ans plus tôt, avant son ordination, revient dans sa vie et lui présente son fils, Aloé. Elle lui demande de le reconnaître.
Le cinéma décidément aime à s’emparer des sujets de notre temps. L’Eglise en est un. "Grâce à Dieu" documentait le combat mené par les victimes d’abus sexuels commis par le père Breynat et couverts par l’archevêque de Lyon Philippe Barbarin. "Magnificat", que je n’ai pas vu tant les critiques qui ont accompagné sa sortie l’été dernier étaient cinglantes, avait pour héroïne une femme cachant son sexe pour devenir prêtre.
"Paternel" (qui aurait pu s’appeler "Mon père") interroge le célibat des prêtres et l’obligation de chasteté « parfaite et perpétuelle » à laquelle ils sont tenus, une règle instaurée depuis le XIème siècle dans l’Eglise catholique. Le droit canonique est plus flou sur une éventuelle paternité. On conçoit aisément qu’elle suppose une violation du devoir de chasteté si la paternité intervient après l’ordination et qu’elle est donc, dans cette hypothèse, interdite. Mais quid d’une paternité intervenant avant l’ordination, par exemple pour des veufs auxquels la procréation dans le cadre du mariage ne serait entachée d’aucun manquement ? Ont-ils le droit de devenir prêtre ou le fait d’avoir des enfants le leur interdit-il ?
Rassurez-vous cher lecteur : "Paternel" ne s’enferme pas dans les arguties juridiques qui font le bonheur d’un conseiller d’Etat en exercice ou d’un vice-président honoraire (dont le rapport sur les abus sexuels dans l’Eglise qu’il a rédigé est dûment cité dès les premières minutes du film) qui en ont devisé ensemble jeudi soir sous la pluie. Beaucoup plus classiquement, "Paternel" décortique le dilemme auquel Simon est confronté lorsqu’il apprend brutalement sa paternité : devoir renoncer à sa vocation pour assumer sa paternité.
"Paternel" a un immense mérite. Il documente avec une grande précision et, autant que j’en puisse juger malgré ma médiocre expérience, sans la caricaturer, la vie quotidienne d’un prêtre. Il en montre la grandeur et les servitudes : les offices qui se succèdent, les sollicitations des fidèles, la vie à la cure, en compagnie d’un autre prêtre (l’excellent Lyes Salem) et de l’intemporelle « bonne du curé » (interprétée par Françoise Lebrun qu’on n’a jamais autant vue sur les écrans que depuis qu’elle approche ses quatre-vingts ans), la solitude sentimentale aussi…
"Paternel" a néanmoins un grave inconvénient : on en connaît par avance l’issue. Gregory Gadebois est un gros nounours si attachant, la foi chrétienne qui l’inspire est tellement soucieuse de l’Autre et généreuse dans l’amour qu’elle lui porte, qu’on n’imagine pas un instant que Simon puisse fermer sa porte à son enfant. Il suffit de jeter un oeil à l’affiche, à la bande-annonce et à cette critique (!) pour que tout suspense – si suspense il y eût – soit éventé.