La poésie du foutraque
Erwan Le Duc s’est fait connaître en 2018 avec un excellent 1er film, Perdrix. Ces 90 minutes, qui constituent un OVNI dans la production française du moment, a fait la clôture de la Semaine de la Critique au Festival de Cannes. Etienne a vingt ans à peine lorsqu'il tombe amoureux de Valérie, et guère plus lorsque naît leur fille Rosa. Le jour où Valérie les abandonne, Etienne choisit de ne pas en faire un drame. Etienne et Rosa se construisent une vie heureuse. Seize ans plus tard, alors que Rosa doit partir étudier et qu’il faut se séparer pour chacun vivre sa vie, le passé ressurgit. Avec ses dialogues très écrits, quasi théâtraux, un scénario foutraque à souhait, cette comédie douce amère s’avère d’une grande poésie, mais dans un genre qui ne plaira sûrement à tout le monde dans un pays aussi cartésien que le nôtre.
L’idée du film vient en première intention d‘un personnage de Perdrix, Juju, le frère de Pierre Perdrix, un père célibataire qui élevait une fille de 12 ans. Donc le point de départ, c’est de raconter une relation père/fille, une histoire d’amour inconditionnel entre un parent et son enfant. Et aussi l’emprise que l’un peut avoir sur l’autre, et inversement. C’est surtout l’histoire d’une séparation difficile, douloureuse mais inéluctable. C’est bourré d’idées de mise en scène mises en valeur par un montage plus qu’incisif, les changements de cadre - larges, plongées, contre-plongées - et de prises de vue pour le moins hardies, Mais toutes ces idées formelles, finissent par submerger les intentions du scénario et risquent de tenir le spectateur à distance. La poésie cède le pas trop souvent à l’absurde et ce sujet profond n’avait pas besoin de ces subterfuges. Un joli moment malgré toutes ses scories.
La présence et le rayonnement de l’argentin Nahuel Perez Biscayart avaient éclaté aux yeux de tous en 2017 dans Au revoir là-haut et surtout 120 battements par minute, - pour lequel il avait reçu le César du meilleur espoir -. Son charme naturel et son talent opèrent encore dans son duo avec la jeune Céleste Brunnquell, qui, depuis 2019 et sa révélation dans Les Eblouis, puis sa participation très remarquée dans la série En Thérapie, ne cesse de confirmer son grand talent avec L’origine du mal. Remarquons aussi les participations de Maud Wyler, Camille Rutherford et d’un débutant qui promet, Mohammed Louridi. Une danse endiablée – parfois trop -, qui nous entraîne aux confins du surréalisme. Très original !