Dans l’Irlande du début des 80ies, Cait est une enfant d’une dizaine d’années timide et effacée, raillée par ses camarades de classe, délaissée au milieu d’une nombreuse fratrie par un père alcoolique et par une mère noyée sous les tâches domestiques. Un été, alors que sa mère est sur le point d’accoucher d’un nouveau bébé, elle est confiée à un couple de parents éloignés, à l’autre bout de l’Irlande. Une fois absorbé le choc du dépaysement, elle y découvre une vie plus confortable, plus douce et un foyer aimant qui cache néanmoins un lourd secret.
"The Quiet Girl" est, dit-on, le film le plus rentable de l’histoire du cinéma irlandais. Tourné avec un petit budget, il a connu un succès immense, en Irlande et à l’étranger où il a raflé une moisson de prix : un Ours de cristal à Berlin en février 2022 qui a lancé sa carrière, puis des nominations aux BAFTA et à l’Oscar du meilleur film international. C’est l’adaptation d’une nouvelle – ou s’agit-il d’un court roman ? – de Claire Keegan publiée il y a une dizaine d’années sous le titre "Foster" – qui signifie « Adoption » – traduit en français par "Trois Lumières" – en référence à l’une des scènes du livre les plus émouvantes.
"The Quiet Girl" est très réussi ; mais il ne mérite peut-être pas toutes les louanges qu’on lui tresse.
C’est un film d’une infinie délicatesse dans sa mise en scène comme dans son scénario qui nous montre la lente transformation d’une enfant sevrée d’amour. On la voit physiquement s’épanouir, se redresser sous l’effet bénéfique de l’attention que Mme et M. Kinsella, ses parents d’adoption lui portent le temps d’un été.
L’histoire du film, qui fait fond sur les maltraitances subies par les enfants en Irlande le siècle dernier, pouvait bifurquer dans un autre sens, quand Mme Kinsella murmure à l’oreille de Cait « Si tu étais mon enfant, jamais je ne te laisserais dans une maison avec des inconnus », vers le film d’horreur. La bande-annonce laisse intelligemment planer cette possibilité-là. Mais tel n’est pas le parti retenu. Le lourd secret des Kinsella – que la bande-annonce spoile en partie – est autrement plus banal.
La nouvelle (le roman ?) de Claire Keegan était très brève. Le film, qui lui est fidèle à la lettre, l’est tout autant et doit inventer un préambule, dans l’école de Cait, absent du livre, et ajouter quelques ralentis qu’on pensait définitivement démodés pour atteindre une durée standard. C’est cette brièveté qui constitue à la fois la principale qualité et le principal défaut de l’oeuvre. On peut lui trouver une remarquable économie de moyens, une absence de long discours explicatif qui appelle à l’intelligence et à la sensibilité du spectateur. Mais aussi, on peut estimer que sa substance est assez pauvre, qu’on en a vite fait le tour et que quatre vingt seize minutes sont bien longues pour si peu.